[Livre Blanc Allyteams] L'interview de Gianni Mina

21 février | Actualités
[Livre Blanc Allyteams] L'interview de Gianni Mina  | Allyteams

Gianni, 28 ans, est un tennisman français dont le meilleur classement a été 219ème sur le circuit ATP. À ce jour, Gianni mène de front une carrière de tennisman et des études à l'Institut d'Études Politiques de Paris.

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Gianni, comment avez-vous vécu votre départ de la Guadeloupe ?

J’ai quitté la Guadeloupe à 11 ans et demi, ce qui fut une épreuve extrêmement difficile car je quittais ma famille pour Poitiers à 8.000 km de chez moi. Je suis arrivé au CREPS (Centre de Ressources d’Expertise et de Performance Sportive ndlr) de Poitiers, au milieu de la forêt, dans un nouvel univers loin des miens. Cela n’a pas été un choix évident mais il était nécessaire si je souhaitais poursuivre mon ascension dans le tennis.

Quelles ont été les principales difficultés rencontrées lors de votre arrivée à Poitiers ?

Toutes les difficultés que j’ai rencontrées m’ont beaucoup renforcé. J’ai été amené très jeune à m‘adapter à un nouveau milieu et j’ai donc pu développer ma capacité d’adaptation.

Il a fallu m’adapter tant sur le plan social que sur le plan sportif. Humainement, j’ai rencontré de nouvelles personnes, de nouvelles façons de fonctionner. En Guadeloupe, ma vie était vraiment différente, plus tranquille avec un rythme moins stressant.

À Poitiers, au Pôle France, le rythme était très soutenu entre école et tennis. Il y avait beaucoup de rigueur et le Pôle de Poitiers était réputé pour cela.

Heureusement, j’ai pu compter sur une famille d’accueil qui me recevait le weekend quand mes camarades rentraient chez eux. J’ai d’ailleurs toujours gardé contact avec elle car je sais que, sans eux, tout aurait été plus difficile.

Quels ont été les points positifs ?

Malgré les difficultés rencontrées, j’ai bien passé cette étape. J’avais du retard d’un point de vue technique à mon arrivée à Poitiers. Cependant, je l’ai comblé en travaillant énormément. J’ai accepté ce retard ainsi que le travail nécessaire pour le combler même si les premiers mois après mon arrivée je n’ai pas bien joué. Cette période a été difficile mentalement mais j’ai continué à développer ce que j’ai toujours eu en moi depuis mon plus jeune âge : l’absence de peur face à l’échec.


J’étais prêt à me relever, à voir plus loin, à travailler toujours un peu plus puis à répéter mes efforts pour réussir à atteindre l’objectif fixé. Cette période de ma vie m’a vraiment permis de développer le sens du travail même si je l’avais déjà du fait de mon éducation. Avec le recul, je considère que ces années à Poitiers ont été une belle épreuve et je n’en garde que d’excellents souvenirs.

Pensez-vous que la rigueur et la force de travail acquises pendant votre carrière de sportif pourront être réutilisées dans votre future carrière professionnelle ?

Oui, j’en suis persuadé. Je pense qu’au niveau de l’état d’esprit, je n’aborderai pas les choses de la même façon que des personnes qui n’ont pas pratiqué un sport à haut niveau.

Un sportif de haut niveau a pour lui une capacité à se relever, à savoir « s’accrocher », à gérer ses émotions dans les épreuves difficiles et à prendre du recul pour remonter la pente.

Ainsi, dans ma future vie professionnelle, quand des moments difficiles arriveront (mauvais résultats, etc.), je pourrai mettre à profit ma carrière d’ancien sportif pour gérer ces moments et m’en sortir au mieux.

Comment gérez-vous le fait d’avoir très tôt été propulsé comme grand espoir du tennis français, puis finalement de ne pas avoir eu les résultats sportifs et la notoriété escomptés ?

Je suis lucide et ce sont des choses qui font partie de la vie. Il y a un moment où l'on brille et parfois cela se passe moins bien. Dans la seconde situation, les gens t’oublient vite et passent à autre chose. J’essaie de ne pas me focaliser là-dessus mais sur moi, sur les objectifs que j’ai en tête et le travail que je dois accomplir pour y arriver.

Il faut profiter quand on brille mais toujours rester humble car la chute peut être compliquée. Moi, je n’ai jamais souffert d’un manque de reconnaissance ou de la peur d’être oublié pendant mes blessures. Le plus difficile à gérer pour moi pendant Les blessures est de ne pas pouvoir m’exprimer sur le terrain. Le reste, ce n’est pas très important ; je ne ressens ni le manque ni le besoin de reconnaissance.

Je pense que je le dois à mon équilibre émotionnel que j’ai construit à force d’avoir vécu certaines choses et d’avoir travaillé sur moi-même. Chaque jour, j’essaie de donner le meilleur de moi-même pour être une bonne personne et toutes les expériences de la vie m’apprennent à m’améliorer.

Le travail avec un préparateur mental m’a également beaucoup apporté. J’ai compris qu’il fallait être heureux dans sa vie pour être performant dans son sport.

Je pense qu’on peut faire le parallèle avec l’entreprise. Le collaborateur épanoui dans sa vie personnelle et professionnelle sera, à mon sens, un élément moteur dans une équipe.

Mener une carrière sportive et suivre des études de front était-ce une évidence pour vous ?

Oui, car je n’ai jamais vu les études comme une « contrainte » afin de préparer mon après-carrière, mais un besoin. J’avais besoin de reprendre mes études après l’obtention de mon baccalauréat car je savais que cela allait contribuer positivement à mon épanouissement personnel. Je suis de nature curieuse avec l’envie de découvrir de nombreux domaines. J’étais aux États-Unis avant de reprendre mes études et je commençais à saturer mentalement car j’étais trop focalisé sur le tennis et les réseaux sociaux et je n’avais rien qui me permettait de m’épanouir mentalement.

Mon entrée à Sciences Po Paris a vraiment été la meilleure chose que je pouvais faire et cela m’a permis de m’ouvrir sur beaucoup de choses et de mieux vivre la période de blessures que j’ai traversée.

Où en êtes-vous actuellement dans vos études ?

J’ai terminé avant l’été mon diplôme d’État Spécialité Tennis de haut niveau avec la Fédération Française de Tennis. Je suis également à Sciences Po Paris avec pour objectif de valider pour cette fin d’année le Certificat pour sportif de haut niveau.

Je poursuis en parallèle ma carrière de tennisman car je suis revenu, il y a quelques semaines, d’un arrêt de 7 mois à la suite d’une opération au poignet.

Que souhaiteriez-vous faire au terme de votre carrière de tennisman ?

À ce jour, je n’ai encore pas d’idée précise. Cependant, je suis parti à 20 ans dans un système privé pour le tennis et j’ai toujours eu à gérer financièrement les choses comme si j’étais un chef d’entreprise. Il fallait gérer ma carrière, payer mon entraîneur et tout le personnel qui m’entourait, mes déplacements, etc.

Cela nécessite obligatoirement d’anticiper et de prévoir donc je vois toujours très loin ; j’aime mettre toutes les possibilités sur la table, les explorer et opter pour celles qui me correspondent le plus.

Ce que je sais, c’est que j’ai davantage le profil d’un entrepreneur que d’un salarié car j’aime avoir des responsabilités, prendre mes propres décisions en toute indépendance et œuvrer pour que celles-ci aboutissent.

Avez-vous des craintes pour votre future vie professionnelle ?

Oui, bien sûr, car je ne sais pas encore ce que je ferai et si je réussirai à trouver un projet qui me corresponde, pour lequel je suis motivé et avec une équipe au sein de laquelle je vais pleinement trouver ma place tout en ayant de l’indépendance et des responsabilités. Mais je ne pense pas que cela soit lié au fait que je sois sportif de haut niveau mais plutôt au fait que l’entrée dans La vie active est une étape importante avec de nombreuses inconnues, et ce quel que soit le profil de la personne concernée.

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LIVRE BLANC L'EMPLOI DES SPORTIFS DE HAUT NIVEAU (lien de téléchargement)

Forte d’une communauté de plus de 2.500 sportifs ou ex-sportifs de haut niveau et de dizaines d’entreprises partenaires, Allyteams a voulu donner la parole aux acteurs du monde du sport, de l’entreprise et de la formation.

Ce livre blanc est l'occasion de donner la parole à 33 sportifs ou ex-sportifs de haut niveau ainsi qu’à des cadres d’entreprise et des directeurs de formation dont les témoignages offrent une grande variété :

  • d’expériences dans différents secteurs d’activité au sein de PME ou de grandes entreprises;
  • de compétences techniques et entrepreneuriales : ressources humaines, digital, finance, commercial, communication, marketing, droit, etc.;
  • culturelle et internationale, notamment avec des entretiens de sportifs étrangers, mais aussi de sportifs nationaux au parcours international;
  • au niveau démographique, des âges (15 à 75 ans) et des genres;
  • d’expertise en matière d'accompagnement des sportifs avec l’apport de personnes expertes du sujet (notamment du côté des écoles ayant développées des programmes pour les sportifs).


Cette diversité témoigne du fait que chacun possède une partie de la solution aux problèmes de l’emploi et de l’employabilité des sportifs de haut niveau.