L'interview de Guillaume Adam

12 juin | Actualités | Fanny RENOU
L'interview de Guillaume Adam | Allyteams

Champion de France sur 3000m, Guillaume a terminé premier français sur le marathon de New York 2019 en 2h26. Ingénieur diplômé de l'INSA Lyon, il a co-créé RunMotion, une application qui aide les utilisateurs à réaliser leurs objectifs grâce à un entraînement adapté et motivant.

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Guillaume, pourriez-vous résumer votre carrière sportive ?

J’ai commencé ma carrière sur 800 mètres en cadet et ai fait mon premier podium en championnat de France à 20 ans. Ayant une maturité plutôt tardive, j’ai intégré l’Équipe de France à 23 ans, sur 1500 m, directement en équipe senior. Je me suis épanoui sur 800, 1500 et 3000 mètres, et j’ai stoppé ma carrière de sportif de haut niveau avec 10 à 12 entraînements en 2016. Maintenant, je me fais plaisir sur semi-marathon, marathon, trail. J’ai d’ailleurs battu mon record sur semi-marathon le 6 octobre dernier à Lyon en 1h08.

Avez-vous suivi des études pendant votre carrière sportive ?

J’ai intégré l’INSA de Lyon qui accueille chaque année des sportifs de haut niveau. J’y suis entré après mon bac en 2008. Cela a été une révélation. Il y avait 150 sportifs de haut niveau et une belle émulation entre nous. Cela m’a permis de me rendre compte de l’intérêt du double projet car j’ai pris conscience que, pour être bien sur les terrains de sport, il fallait être bien dans sa vie et les études notamment participent à un équilibre global.

Comment gériez-vous votre emploi du temps entre études et entraînements ?

En école d’ingénieur, c’est au minimum 35h de cours par semaine. J’ai bénéficié à l’INSA d’un aménagement pour étaler mes études sur 7 ans au lieu de 5 et avoir 20-25 heures de cours par semaine.

J’ai alors intégré à cette période un groupe de demi-fond du Pôle Espoir de Lyon qui regroupait une quinzaine d’athlètes qui étaient également à l’INSA, un groupe avec une pratique centrée sur la performance et le haut niveau. C’était important d’être encadré et dans un bon groupe car le demi- fond est une discipline particulière pour laquelle de nombreux athlètes se consacrent exclusivement à leur sport, alors que moi j’étais épanoui avec mes études à côté.

Avec le recul, que retiendrez-vous de ce double projet ?

Le double projet, c’est bien de le faire avec des personnes qui partagent les mêmes enjeux et la même passion. J’ai eu également la chance d’avoir des encadrants très compréhensifs par rapport aux contraintes du sport de haut niveau et je pense réellement que, si je n’avais pas été à l’INSA, je n’aurais pas eu les performances sportives que j’ai eues car cette formation m’a permis de me sentir bien dans ma vie et d’avoir une progression linéaire car le risque, sur une discipline à maturité tardive comme le demi-fond, est de trop s’entraîner et trop jeune.

Puis, le fait de suivre des études est un canaliseur qui contribue à créer un équilibre de vie qui était pour moi extrêmement important. À titre d’exemple, en 2016, l’année après l’obtention de mon diplôme d’ingénieur, j’ai voulu faire une année 100 % athlétisme pour tenter de me qualifier pour les Jeux Olympiques de Rio. Je me suis énormément entraîné et investi comme jamais mais je n’avais plus ce double projet, et donc plus l’équilibre que celui-ci me procurait, ce qui ne m’a pas permis de me libérer pleinement le jour J. Avec le recul, je me dis que j’aurais peut-être dû avoir un projet durant cette année sur lequel j’aurais pu passer du temps à côté du sport.

Quelle est votre activité professionnelle depuis l’obtention de votre diplôme d’ingénieur en 2015 ?

Je suis parti 1 an à Boston en 2017 où j’ai travaillé sur un projet de recherche sur la course à pied dans un laboratoire du Massachusetts Institute of Technology (MIT). C’est cette expérience qui m’a fait prendre conscience qu’allier ingénierie et passion de la course à pied est quelque chose de génial et j’ai réalisé que j’avais envie de construire quelque chose et de créer une entreprise. J’ai donc eu l’idée de créer RunMotion.

Qu’est-ce que RunMotion ?

C’est un coach digital qui permet à chacun de réaliser ses objectifs en course à pied. L’idée m’est venue car de nombreuses personnes de mon entourage me demandaient des conseils pour progresser ou tout simplement pour réaliser des défis, notamment courir un marathon, et je me suis dit que j’allais créer un coach avec une application mobile afin d’avoir un entraînement sur mesure avec, en plus, des messages de motivation car nous nous sommes rendus compte que, parfois, recevoir un plan d’entraînement ne suffit pas. Il faut également de la motivation pour être constant à l’entraînement.

Aujourd’hui (juin 2020), nous avons 90.000 coureurs qui s’entraînent avec l’application. Cela fait plus d'un an qu’elle est sortie et nous avons encore de nombreuses idées de développement.

Quelle évolution souhaitez-vous pour RunMotion ?

La vision que j’ai de RunMotion est de permettre à chacun de s’épanouir par la course à pied, donc le développement je le vois par une partie « produit » qui pourrait encore mieux correspondre aux utilisateurs. Cela fait maintenant plus d'un an que nous avons des retours sur notre produit donc nous allons pouvoir l’améliorer et proposer une solution quasi parfaite aux utilisateurs.

Nous nous sommes également rendus compte que nous étions les meilleurs ambassadeurs pour l’application car nous entendons beaucoup parler de « communauté » et « d’ambassadeurs extérieurs » mais, finalement, c’est nous qui incarnons le mieux l’application. Nous voulons donc aller plus loin sur cet aspect-là.

De plus, aujourd’hui, nous entraînons 90.000 coureurs mais souhaiterions pouvoir entraîner la quasi-totalité des 10 millions de personnes qui font de la course à pied en France. Donc l’ambition est assez grande.

Enfin, nous souhaitons également nous rapprocher des entreprises car elles sont sensibles au sujet du sport et nous sommes persuadés que l’application peut être une solution concrète pour mettre les salariés en mouvement.

Nous souhaitons donc apporter de la valeur en entreprise par du coaching digital pour apporter tous les bienfaits du sport aux salariés.

Pour l’anecdote, pouvez-vous nous parler du lien entre votre application et le cinéma ?

C’est une histoire amusante. L’équipe de réalisation d’un film avait besoin d’une application pour le personnage d’une coureuse qui prépare son premier marathon. La personne chargée de trouver l’application a demandé à son père, coureur averti, de lui en conseiller une. Or, celui-ci fait partie des 1000 premiers utilisateurs de RunMotion et lui a conseillé notre application. Nous avons été contactés par l’équipe du film et nous avons bien entendu accepté l’utilisation de RunMotion pour tourner les séquences en question.

Le film sortira au courant du 1er semestre 2020. Nous avons assisté au tournage de l’une des scènes en avril dernier et c’était très sympa.

Trouvez-vous un parallèle entre le sport de haut niveau et l’entrepreneuriat ?

Oui, totalement. Il y a entre l’entrepreneuriat et le sport de haut niveau beaucoup de points communs.

Pour moi, les deux sont partis de rencontres : la rencontre de mon coach d’athlétisme, pour le sport, puis celle de ce chercheur américain au MIT lors de mon année à Boston, pour l’entrepreneuriat.

Dans les deux cas, il faut avoir une vision, un rêve, croire en soi, s’entourer des bonnes personnes et avoir beaucoup de persévérance. Je trouve donc que les valeurs sont communes. Quand on veut créer une entreprise, il faut aussi être parmi les meilleurs, donc je m’épanouis pleinement dans l’entrepreneuriat et je trouve de nombreux parallèles avec mon ancienne carrière de sportif de haut niveau.

Pourriez-vous, maintenant que vous êtes devenu entrepreneur, devenir un jour salarié ?

Quand tu es entrepreneur, tu vis cela pleinement, tous les jours, car c’est ton projet. Je ne sais pas si, en tant que salarié, il est possible de ressentir cela. Je pense donc que les deux statuts sont différents. Cependant, je suis persuadé qu’il y a de beaux postes et de beaux projets en entreprise en qualité de salarié, donc je ne me ferme aucune porte.

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LIVRE BLANC L'EMPLOI DES SPORTIFS DE HAUT NIVEAU (lien de téléchargement)

Forte d’une communauté de plus de 3.000 sportifs ou ex-sportifs de haut niveau et de dizaines d’entreprises partenaires, Allyteams a voulu donner la parole aux acteurs du monde du sport, de l’entreprise et de la formation.

Ce livre blanc est l'occasion de donner la parole à 33 sportifs ou ex-sportifs de haut niveau ainsi qu’à des cadres d’entreprise et des directeurs de formation dont les témoignages offrent une grande variété :

  • d’expériences dans différents secteurs d’activité au sein de PME ou de grandes entreprises;
  • de compétences techniques et entrepreneuriales : ressources humaines, digital, finance, commercial, communication, marketing, droit, etc.;
  • culturelle et internationale, notamment avec des entretiens de sportifs étrangers, mais aussi de sportifs nationaux au parcours international;
  • au niveau démographique, des âges (15 à 75 ans) et des genres;
  • d’expertise en matière d'accompagnement des sportifs avec l’apport de personnes expertes du sujet (notamment du côté des écoles ayant développées des programmes pour les sportifs).

Cette diversité témoigne du fait que chacun possède une partie de la solution aux problèmes de l’emploi et de l’employabilité des sportifs de haut niveau.