[Livre Blanc Allyteams] L'interview de Lenaïg Corson

24 septembre | Actualités | Fanny RENOU
[Livre Blanc Allyteams] L'interview de Lenaïg Corson | Allyteams

Lenaïg est une joueuse internationale française de rugby à VII et à XV. Elle évolue au Stade Français et en Équipe de France depuis 2012. Elle a notamment été désignée meilleure joueuse française en 2017 par le journal Midi Olympique.

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Pourquoi avez-vous choisi de pratiquer le rugby ?

Avant d’arriver au rugby, j’ai pratiqué l’athlétisme et, plus particulièrement, l’heptathlon (discipline combinant le 100m haies, le 200m, le 800m, le saut en hauteur, le saut en longueur, le lancer de poids et le lancer de javelot ndlr) pendant 14 ans. Au fur et à mesure, j’ai eu la sensation d’avoir fait le tour de la discipline, de ne plus réussir à progresser et à atteindre les résultats souhaités. Je ressentais le besoin de pratiquer un sport collectif.

À cette même période, je suis arrivée à Rennes pour débuter mes études supérieures. J’avais envie, en plus de celles-ci, de pratiquer un sport collectif universitaire. Le rugby était le seul sport proposé compatible avec mon emploi du temps.

C’est donc par hasard que j’ai débuté le rugby qui était un sport que je connaissais mais auquel, pour être franche, je ne m’étais jamais intéressée. J’ai tout de suite apprécié ce sport, tant par sa dimension technique que physique et par l’ambiance qui anime les joueurs. Je n’avais pas toutes les capacités techniques mais je me suis servie des capacités physiques développées en heptathlon (vitesse, saut, coordination, etc.), ce qui m’a permis de vite progresser.

Comment êtes-vous passée du rugby universitaire à l’équipe de France ?

Tout est arrivé très vite. D’un sport découvert par hasard, le rugby est devenu une passion. Deux mois après mes débuts, j’ai eu envie d’en faire plus. Le côté compétitrice que j’avais eu dans l’athlétisme a ressurgi au rugby, ce qui me donnait envie de m’entraîner plus et de multiplier les matchs pour progresser.

J’ai alors décidé, en 2009, de rejoindre le club du Stade Rennais qui, à l’époque, avait plusieurs joueuses de l’équipe de France dans son équipe première ainsi qu’un palmarès important. Pour ma part, j’ai débuté avec l’équipe réserve. Cependant, je voyais les joueuses internationales de l’équipe première et j’avais cette envie de vite progresser pour aller jouer avec elles.

À la fin de cette saison, je suis partie en Australie. J’ai eu la chance de découvrir le rugby australien, ce qui m’a notamment permis de constater les différences d’entraînements et de méthodes avec la France, ce que j’ai trouvé intéressant.

À mon retour, j’ai de nouveau signé au Stade Rennais et j’ai joué avec l’équipe première en Elite du championnat français. J’ai passé beaucoup de temps sur le banc la première saison puis, en fin de saison, une joueuse de l’équipe qui jouait au même poste que moi s’est blessée. J’ai donc eu un important temps de jeu, réalisé de bons matchs en marquant plusieurs essais à un poste où il est rare d’en inscrire, ce qui m’a valu d’être sélectionnée en équipe de France pour la première fois en novembre 2012 et de participer à la tournée d’automne.

Fin 2012, vous jouiez au plus haut niveau français et vous étiez internationale française. Avez-vous pu vivre du rugby ?

Non, à cette époque, nous ne pouvions pas vivre du rugby. Nous étions totalement amatrices, nous recevions uniquement des indemnités journalières. Les joueuses prenaient des congé payés sans solde pour pouvoir partir en sélection. J’avais déjà une licence en économie et gestion et j’ai décidé, après une réorientation, de m’engager dans un Master management du sport car je souhaitais faire de ma passion mon métier et travailler dans le secteur du sport.

Cela n’a pas été une période simple car je n’ai pas pu intégrer ce Master 1 tout de suite. Il a donc fallu que je travaille en attendant de pouvoir l'intégrer.

C’est une période pendant laquelle je n’avais pas de logement ; j’ai dû parfois dormir dans ma voiture, parfois chez des amis du rugby et je travaillais dans une usine en intérim pour gagner ma vie pendant quelques mois.

Cependant, je ne regrette rien car, aujourd’hui, j’ai réussi mon pari en vivant du rugby. Pourtant, à cette période, beaucoup de personnes m’ont dit que mon choix était totalement irrationnel et que jamais je ne pourrais vivre de mon sport.

Vous avez souhaité terminer votre Master 2 et pour cela vous avez été obligée de vous éloigner de l’Équipe de France.

Oui, en 2014, j’ai suivi un Master 2 dans le secteur des loisirs sportifs en lien avec la data et les supports numériques adaptés à la randonnée. Il m’a donc fallu refuser des sélections en équipe de France de rugby à 7 car je ne pouvais pas rédiger et valider mon mémoire de fin d’études, valider mon Master 2 et enchaîner les différentes tournées avec la sélection nationale.

J’ai donc préféré faire le choix de m’éloigner de l’équipe de France pendant cette période car je souhaitais valider mon Master en un an et non en 2 ou 3 ans, comme il est parfois possible de le faire.

À quelle date avez-vous bénéficié du statut de sportive professionnelle ?

En juillet 2014, un mois seulement après la validation de mon Master 2, la Fédération Française de Rugby a proposé à 16 joueuses de devenir semi-professionnelles. J’ai hésité à signer ce contrat car je me suis demandée si c’était le bon choix de carrière. Mais j’avais envie de me lancer dans cette aventure.

Nous avons été contractualisées à mi-temps, ce qui a marqué un tournant dans le rugby féminin. C’était un milieu dans lequel gagner sa vie pour une femme était inimaginable quelques années auparavant.

Nous étions payées 1.000 euros par mois et l’une des conditions était de déménager en région parisienne car le centre d’entraînement est à Marcoussis.

L’objectif était de se qualifier pour les Jeux Olympiques de Rio en 2016. Nous avions parfaitement conscience que l’absence de qualification aux JO aurait sûrement mis un terme ou, tout du moins, fortement ralenti le projet visant à professionnaliser le rugby féminin en France. Nous nous sommes qualifiées pour les Jeux de Rio et l’histoire a pu continuer.

En 2015, notre contrat a évolué et est passé à 75%, et l’an prochain nous devrions passer à un contrat à temps plein.

Avez-vous gardé une activité professionnelle à côté de votre carrière de sportive ?

Oui, car, en 2014, pour pouvoir signer le contrat semi-professionnel avec la Fédération Française de Rugby, il fallait absolument que chaque joueuse suive des études ou ait un travail. Le Président de la Fédération souhaitait que chaque joueuse ait un projet à côté du rugby car il n’y avait pas de certitude sur la longévité du contrat fédéral.

J’ai alors intégré la GMF qui avait souhaité recruter des sportifs de haut niveau. Je travaillais à temps partiel en réalisant en moyenne 9 heures par semaine. Nous adaptions mon emploi du temps « entreprise » en fonction de mon emploi du temps « rugby ».

Mon contrat avec la GMF a cessé en 2018. Cependant, j’ai signé avec la société un contrat d’image, ce qui permet à l’entreprise de m’accompagner dans ma carrière et, pour moi, de garder un lien avec le monde de l’entreprise en vue de mon après-carrière qui arrivera vite car j’aimerais mettre un terme à ma carrière de joueuse en 2021, après la Coupe du monde de rugby à XV en Nouvelle-Zélande ... de préférence sur un titre de championne du monde !

Qu’est-ce que le rugby vous a apporté et vous apportera en entreprise à votre avis ?

Lorsque je travaillais au sein de la société Décathlon, ma carrière me servait car, étant dans le domaine du sport, cela me donnait une crédibilité auprès des clients ainsi que de mes responsables.

À cette époque, nous étions beaucoup de sportifs à travailler au sein de cette entreprise et avions l’esprit de compétition transmis par le monde du sport. Nous voulions toujours améliorer nos performances et comparions nos chiffres de ventes en fin de semaine. L’ambiance était excellente entre commerciaux avec une réelle émulation.

Outre l’aspect performance, le rugby m’aidait également dans la gestion des relations clients qui peut, parfois, ne pas être aisée. La capacité à prendre du recul, à savoir gérer des moments de tension et à garder le contrôle, je la dois au rugby car ce sont des difficultés que nous rencontrons au quotidien avec les blessures, les mauvais résultats, etc. Malgré cela, il faut savoir positiver et continuer à travailler.

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LIVRE BLANC L'EMPLOI DES SPORTIFS DE HAUT NIVEAU (lien de téléchargement)

Forte d’une communauté de plus de 4.000 sportifs ou ex-sportifs de haut niveau et de dizaines d’entreprises partenaires, Allyteams a voulu donner la parole aux acteurs du monde du sport, de l’entreprise et de la formation.

Ce livre blanc est l'occasion de donner la parole à 33 sportifs ou ex-sportifs de haut niveau ainsi qu’à des cadres d’entreprise et des directeurs de formation dont les témoignages offrent une grande variété :

  • d’expériences dans différents secteurs d’activité au sein de PME ou de grandes entreprises;
  • de compétences techniques et entrepreneuriales : ressources humaines, digital, finance, commercial, communication, marketing, droit, etc.;
  • culturelle et internationale, notamment avec des entretiens de sportifs étrangers, mais aussi de sportifs nationaux au parcours international;
  • au niveau démographique, des âges (15 à 75 ans) et des genres;
  • d’expertise en matière d'accompagnement des sportifs avec l’apport de personnes expertes du sujet (notamment du côté des écoles ayant développées des programmes pour les sportifs).

Cette diversité témoigne du fait que chacun possède une partie de la solution aux problèmes de l’emploi et de l’employabilité des sportifs de haut niveau.