[Livre Blanc Allyteams] L'interview de Yann Cucherat

18 juin | Actualités | Fanny RENOU
[Livre Blanc Allyteams] L'interview de Yann Cucherat | Allyteams

Ancien gymnaste aux 11 médailles européennes et mondiales, Yann est aujourd’hui adjoint aux sports de la Ville de Lyon et Directeur du haut niveau au sein de la Fédération Française de Gymnastique.

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Yann, pourriez-vous résumer votre carrière de sportif de haut niveau ?

J’ai eu une longue carrière sportive. J’ai commencé la gymnastique avec mes parents, tous les deux professeurs d’Éducation Physique et Sportive et également professeurs de gymnastique. Je me suis entraîné avec eux jusqu’à l’âge de 10 ans. À cette période, ils avaient plus de difficultés à me faire progresser. J’ai donc intégré le Pôle France gymnastique de Lyon en sport-études au moment de mon entrée en classe de 6ème.

J’ai eu la chance d’avoir une carrière riche avec la participation à 4 olympiades, la dernière à Londres en 2012. J’ai également été capitaine de l’Equipe de France de gymnastique pendant une dizaine d’années, remporté 9 médailles européennes et 2 titres mondiaux.

Comment avez-vous préparé votre après-carrière ?

J’ai passé le Professorat de sport, rattaché au Ministère des Sports, qui est l’équivalent du CAPES rattaché au Ministère de l’Éducation Nationale. J’ai programmé cette échéance dans ma carrière de sportif à la période qui me semblait la plus cohérente, c’est-à-dire après les Jeux Olympiques d’Athènes, en 2004.

J’ai alors quitté Lyon pour Paris pendant 3 ans afin de préparer et passer le concours.

Cette période me semblait être le moment opportun car j’avais déjà tout donné sur deux olympiades et j’avais conscience qu’il fallait que j’assure ma reconversion. Nous avions anticipé cela avec mon entraîneur

et mon encadrement. Nous avions convenu que, pendant cette période de préparation du concours, je lève le pied sur la gymnastique pour me focaliser sur la préparation et la réussite de ce concours.

Je suis donc entré à l’INSEP et j’ai suivi une formation réservée aux sportifs de haut niveau.

Finalement, je n’ai pas levé le pied sur ma carrière de gymnaste car cette période m’a permis de trouver un véritable équilibre entre la gymnastique et l’objectif du concours que je m’étais fixé, donc j’ai réussi à mener de front les deux. J’ai d’ailleurs obtenu mes meilleurs résultats sportifs pendant cette période et j’étais également soulagé d’assurer mon après-carrière.

Comment expliquez-vous avoir amélioré vos résultats sportifs alors que vous prépariez parallèlement un concours exigeant ?

Tout au long de ma carrière, j’ai mangé, dormi, respiré gymnastique. J’y pensais tout le temps. Jeune, lors de mes premières compétitions, je pense que j’avais une certaine forme d'insouciance. Je ne me posais pas de question sur l’enjeu de la compétition. Plus j’ai avancé dans ma carrière,

plus j’ai constaté que j’étais attendu du fait de mes résultats et que je ne devais pas décevoir. J’ai senti des regards différents se poser sur moi et je ressentais un certain poids qui n’a pas toujours été simple à gérer dès lors que toute ma vie tournait autour de la gymnastique.

Quand, à partir de 2004, j’ai eu cette double priorité avec la préparation et la réussite du concours, je me suis rendu compte que la vie ne tournait pas seulement autour de la gymnastique et cela m’a apporté un meilleur équilibre psychologique.

Concrètement, lors des jours moins bons à l’entraînement, je relativisais et me focalisais sur ma formation professionnelle et celle-ci prenait le dessus sur la gymnastique et, à l’inverse, lorsque la rigueur de la formation me pesait je savais que j’allais pouvoir aller me défouler dans le gymnase.

C’est la prise de conscience du fait qu’il n’y avait pas que la gymnastique dans la vie et qu’il y avait une autre vie après que j’étais en train de préparer qui m’a permis de donner plus de légèreté dans mon quotidien.

Le fait d’avoir anticipé votre après- carrière vous a-t-il aidé lorsque vous y avez mis un terme ?

Je ne suis pas tout à fait sûr, même si je m’étais préparé car j’avais programmé l’arrêt de ma carrière après les JO de Londres en 2012 et même avant cela j’étais détaché depuis 6 ans par le Ministère des Sports sur un contrat à l‘INSEP pour terminer ma carrière. L’arrêt d’une carrière de sportif est un évènement difficile à appréhender.

Pourtant, tout de suite après l’arrêt de ma carrière, j’ai eu la chance que me soient confiées deux missions : la mission de Directeur Sportif à la Fédération Française de Gymnastique et une mission d’élu à la ville de Lyon pour porter la Politique sportive du maire de la ville, Gérard Collomb.

J’ai donc eu la chance d’avoir deux missions très valorisantes à enjeux très stimulants, pour autant cela n’a pas été aisé pour moi de faire la bascule entre ma carrière de gymnaste et ma nouvelle carrière professionnelle car j’avais l’impression que rien ne me donnerait les mêmes émotions que ma vie d’athlète.

Encore aujourd’hui, même si j’ai plus de recul qu’en 2012, je pense toujours la même chose. Même si ma vie est faite de beaucoup de rencontres, de projets tous aussi stimulants les uns que les autres, j’ai du mal à savoir ce qui pourrait me procurer autant d’adrénaline et d’émotions que ce que j’ai connu quand j’étais gymnaste. C’est pour cela que je comprends l’emploi du terme de « petite mort » par certains sportifs quand ils décrivent les conséquences de l’arrêt d’une carrière sportive. Et le terme « reconversion » est exact, selon moi, car il faut quitter une vie pour en construire une autre et, malgré l’anticipation qui avait été la mienne, cela reste tout de même un départ vers l’inconnu.

Sept ans après l’arrêt de votre carrière, quelles sont vos missions professionnelles actuelles ?

Mes missions ont évolué. À la Fédération Française de Gymnastique, je suis passé de Directeur Sportif à Directeur du haut niveau. Je suis en charge des Équipes de France de gymnastique et de la détection des talents. J’ai donc le rôle de sélectionneur de l’équipe nationale.

À la ville de Lyon, alors que j’étais initialement en charge de la politique sportive uniquement, je suis en charge depuis presque 3 ans maintenant de la politique sportive des grands évènements (compétitions, évènements culturels telle que la Fête des Lumières) ainsi que du tourisme, donc tout cela a évolué très positivement.

Vous êtes très attaché à la ville de Lyon. Imaginez-vous avoir, un jour, des missions d’élu dans une autre ville ?

Je suis né à Lyon, j’y ai grandi et fais ma vie. J’ai simplement quitté Lyon 3 ans pour aller à l’INSEP à Paris et préparer le Professorat de Sport.

Je ne connaissais pas le monde politique avant que Gérard Collomb ne vienne me chercher et je ne me prédestinais pas du tout à cela.

Cependant, je savais que j’avais à cœur de rendre à Lyon et aux lyonnais tout ce qu’ils avaient pu m’apporter pendant ma carrière de gymnaste car, dans un sport amateur, quand les gens vous accompagnent et vous soutiennent pendant des années, il y a nécessairement un lien particulier et des affinités qui se créent. Ainsi, ma mission d’élu me permet notamment d’essayer de rendre à cette ville et à ses habitants tout ce qu’ils m’ont apporté, donc je ne me verrai pas faire ce que je fais dans une autre ville.

En revanche, avoir d’autres missions en lien avec mes expertises, mes connaissances et l’expérience que j’ai acquises dans différents domaines, pourquoi pas. Peut-être que cela arrivera un jour. Mais, aujourd’hui, j’ai des missions très prenantes et dans lesquelles je me retrouve totalement.

Quels sont les conseils que vous pourriez donner à des sportifs de haut niveau en carrière ?

Je peux leur dire qu’ils ont de la chance, qu’en tant que sportifs, nous ne nous rendons pas suffisamment compte pendant notre carrière de la chance que nous avons de faire ce métier.

Aujourd’hui, quand j’accompagne mon groupe de l’Équipe de France, je dis souvent aux athlètes qu’ils ne se rendent pas compte de la chance qu’ils ont d’être sportifs de haut niveau et que, même si leur quotidien est contraignant et exigeant et qu’il nécessite qu’ils soient plus rigoureux que la majorité des gens, c’est une formidable chance d’exercer ce métier. Ils auront du mal à retrouver les mêmes sensations et émotions dans une autre activité de leur vie future. Je leur conseille alors d’en profiter pleinement.

Enfin, je pense qu’il faut également réussir à prendre du plaisir au quotidien dans ce que l’on fait pour que les résultats arrivent et non pas attendre que les résultats soient présents pour prendre du plaisir. Pour ma part, toutes les fois où j’ai trébuché lors de compétitions, c’était notamment en raison du fait que j’étais trop centré sur le résultat en lui-même et pas assez sur le plaisir que j’avais à aller sur mes agrès.

Le mot de la fin : 

J’ai appris pendant ma carrière de gymnaste que, finalement, on ne fait rien tout seul, même si la gymnastique est un sport individuel et que nous sommes seuls sur notre agrès.

Être sportif de haut niveau, même dans un sport individuel, c’est un travail de collaboration. Il y a des connexions, des liens qui se créent pendant des années avec différents acteurs qu’ils appartiennent au monde de la gymnastique, à notre entourage ou aux institutions et collectivités publiques.

Il est essentiel de comprendre cela car ces connexions qui se font tout au long de la carrière constituent un bagage important pour la vie d’Homme et il est essentiel de construire quelque chose autour de celles-ci. Cela peut notamment être une première étape de la préparation de l’après-carrière.

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LIVRE BLANC L'EMPLOI DES SPORTIFS DE HAUT NIVEAU (lien de téléchargement)

Forte d’une communauté de plus de 3.500 sportifs ou ex-sportifs de haut niveau et de dizaines d’entreprises partenaires, Allyteams a voulu donner la parole aux acteurs du monde du sport, de l’entreprise et de la formation.

Ce livre blanc est l'occasion de donner la parole à 33 sportifs ou ex-sportifs de haut niveau ainsi qu’à des cadres d’entreprise et des directeurs de formation dont les témoignages offrent une grande variété :

  • d’expériences dans différents secteurs d’activité au sein de PME ou de grandes entreprises;
  • de compétences techniques et entrepreneuriales : ressources humaines, digital, finance, commercial, communication, marketing, droit, etc.;
  • culturelle et internationale, notamment avec des entretiens de sportifs étrangers, mais aussi de sportifs nationaux au parcours international;
  • au niveau démographique, des âges (15 à 75 ans) et des genres;
  • d’expertise en matière d'accompagnement des sportifs avec l’apport de personnes expertes du sujet (notamment du côté des écoles ayant développées des programmes pour les sportifs).

Cette diversité témoigne du fait que chacun possède une partie de la solution aux problèmes de l’emploi et de l’employabilité des sportifs de haut niveau.