[Livre Blanc Allyteams] L'interview de Samir Bengelloun
Samir est un ancien footballeur professionnel. Formé au PSG, il a eu l'occasion de jouer dans plusieurs pays avant de se tourner vers le secteur des Ressources Humaines et d’intégrer le Groupe VINCI.
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Samir, comment a débuté votre carrière de footballeur ?
Ma carrière de footballeur a démarré très tôt puisqu’à l’âge de 6/7 ans j’ai commencé à taper dans le ballon au Red Star qui, à l’époque, évoluait en Division 2. Réputé pour faire progresser et grandir des jeunes talents, ce club m’a donné l’opportunité de me faire repérer par le Paris Saint-Germain à l’âge de 13 ans et c’est là que les choses sérieuses ont commencé.
J’ai d’abord intégré le Centre de préformation du PSG en 1999 au sein duquel je suis resté pendant 2 ans. Par la suite, j’ai poursuivi mon apprentissage au Centre de formation du Paris Saint-Germain au Camp des Loges. Je suis arrivé au PSG dans un centre quasi neuf, inauguré en 1996, où le Club avait l’ambition de faire sortir les jeunes du centre. Le comeback d’Anelka, Dalmat, Luccin, et l’arrivée de Ronaldinho me faisaient rêver. C’est d’ailleurs à cette époque que j’ai commencé à côtoyer Alioune Touré, Edouard Cissé, Bernard Mendy.
L’aventure avec le PSG s’est arrêtée en 2004 puisque j’ai rejoint le Club de l’ESTAC Troyes où je suis resté 2 ans. C’est d’ailleurs ce club qui a lancé Blaise Matuidi avec lequel on a partagé des victoires et des défaites. J’étais très proche de Foued Kadir qui a su rebondir après l’ESTAC, mais aussi de Benjamin Nivet.
À l’issue de ces 2 ans, je suis revenu en Île-de-France pour finaliser mes études et j’évoluais en CFA (Poissy et ESSG). Diplômé d’un Master 1, j’ai décidé de prendre ma carrière en main et de vivre de ma passion. J’ai pris mes crampons et, à l’âge de 23 ans, je suis parti jouer en Grèce, à Chypre, en Bulgarie et aux États-Unis. Cette carrière professionnelle de 5 ans m’a fait découvrir un monde atypique, à la fois très individualiste et en même temps très collectif. D’une victoire en finale de la Coupe de Chypre en passant par une défaite en Europa League, j’ai connu des moments exceptionnels comme de moins bons. Je ne retiendrai que le côté positif de ces expériences.
Quelle(s) formation(s) avez-vous suivie(s) ?
À l’Académie du Paris Saint-Germain pendant 4 ans, puis 2 ans à l’ESTAC pour ma formation footballistique. S’agissant de ma formation académique, j’ai suivi le Master 1 des Sciences et techniques en économie et gestion du sport, puis le Master 2 RH / MBA Management des Ressources humaines de l’Université de Paris-Dauphine.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
Une carrière sportive professionnelle est loin d’être un long fleuve tranquille. Evidemment, on rencontre des difficultés.
D’abord, lorsque je suis arrivé dans ce milieu, j’ai souvent été assimilé à mon grand frère Youness, talentueux, souvent surclassé dans les équipes de jeunes avec une grosse personnalité qui parfois a dérangé. Il était difficile de se défaire de cette étiquette, qu’on me collait à la peau, car le fait de porter le même nom, de jouer au même poste avec une personnalité différente fait qu’on est tout de même comparé, catalogué, jugé, etc.
De même, les essais dans les clubs français ou étrangers étaient difficiles à tous les niveaux. D’abord, il faut venir de la part de l’agent qui est en bisbille avec le club. Si tu viens de la part de quelqu’un d’autre, c’est foutu. Et oui, les intérêts financiers des uns et des autres portent préjudice au joueur même s’il a du talent. Ensuite, on te demande, sur une semaine, d’être au top de ta forme et d’exploser les scores. J’en ai fait tellement qu’au final j’en étais dégoûté.
Il faut aussi faire face à des agents mythomanes qui t’envoient au casse-pipe dans une D3 Espagnole sans logement ni moyens de transports. Bref, toutes ces situations délicates m’ont forgé un caractère.
J’ai malheureusement été également confronté au racisme. Dans 70% des clubs dans lesquels je suis passé, j’ai été victime de près ou de loin de racisme (chants de supporters, cris de singe, etc.). Une autre difficulté rencontrée lors de ma carrière de footballeur professionnel est le manque de professionnalisme des clubs méditerranéens. Mon expérience chypriote fût ternie par le fait que mon club ne tenait pas ses engagements ni ses obligations financières. En clair, le club ne rémunérait plus ses joueurs ou avec beaucoup de retard. C’est difficile à accepter lorsque vous avez 24 ans et que vous êtes plein de bonne volonté pour réussir votre carrière.
Enfin, la reconversion a été très difficile, surtout quand on n’a pas ou peu de réseau dans le monde professionnel ni d’idée particulière d’orientation.
Bref, j’ai dû trouver ma voie seul et, heureusement, j’ai eu la chance de rencontrer des personnes bienveillantes lorsque j’ai tenté de rejoindre le monde de l’entreprise.
Avez-vous été accompagné par les différentes instances sportives pour concilier sport et études pendant votre carrière ?
Oui, j’ai eu cette chance. D’abord, au Centre de formation du PSG, Thierry Morin, qui en était le Directeur, m’a permis d’intégrer le Greta du Val-de-Seine avec des cours aménagés pour que je puisse entamer une formation Bac +2. J’ai validé quelques matières en vue d’un BTS Comptabilité Gestion.
Ensuite, à l’Estac, j’ai eu la chance, pendant 2 ans, de valider des modules d’un DUT en Techniques de commercialisation avec l’IUT de Troyes qui avait un partenariat avec le Centre de formation sous la Direction de Francis Boudin.
Pourquoi avez-vous choisi le domaine des ressources humaines ?
J’ai choisi le domaine des RH naturellement, celui-ci étant en lien direct avec un sportif en général.
Que faites-vous aujourd’hui ?
Aujourd’hui, je suis HR Business Partner au sein de la Holding VINCI. Après avoir suivi le parcours intrapreneur chez Leonard, la plateforme de prospective et d’innovation du Groupe VINCI, j’ai créé une start-up interne from scratch, Trust[in] – Connecting Talents, qui a une double vocation. D’une part avec Trust[in] Sourcing, il s’agit d’accompagner tous les pôles d’activité du Groupe sur les besoins en recrutement à travers le digital et, d’autre part, avec Trust[in] Training d’animer des ateliers d’acculturation aux réseaux sociaux afin de répondre à des enjeux de marque employeur, de personal branding et de social selling.
Comment valorisez-vous dans votre activité professionnelle les compétences acquises lors de votre carrière sportive ?
Je fais beaucoup appel à mes soft skills et au bon sens. Au cours de ma carrière de footballeur professionnel, les personnes qui m’ont entouré (dirigeants, agents, coachs, partenaires) m’ont inculqué des valeurs et des principes qui sont les « fondamentaux » de la vie de tous les jours.
Tout d’abord, on m’a enseigné la pugnacité, l’abnégation et la conviction : ne jamais rien lâcher, toujours aller au bout de ses idées en mettant tout en œuvre pour y arriver. Evidemment, cela nécessite une capacité à se remettre en question et à prendre la critique de façon positive/constructive. J’ai aussi appris à m’adapter : chaque situation nécessite une certaine adaptation ; qu’il s’agisse d’un environnement, d’un écosystème ou encore d’une population à laquelle il faut faire face, il est nécessaire de s’adapter afin de répondre au mieux aux attentes de nos clients internes (opérationnels, managers, directeurs, salariés, etc.). Un autre élément important est de se fixer des objectifs : c’est primordial. Si on veut réussir dans ce que nous entreprenons, il est indispensable de savoir où on veut aller.
Savoir mettre en place une stratégie pour savoir comment y aller (définir le cadre) et comment y arriver. J’ai aussi dû faire face à des échecs. On préfère évidemment éviter l’échec, même si celui-ci arrive forcément à un moment donné ; il te fait grandir. C’est là où la citation de Nelson Mandela prend tout son sens :« je ne perds jamais, soit je gagne, soit j’apprends ». Enfin, une des valeurs les plus importantes acquises au cours de ma carrière sportive est bien sûr l’esprit d’équipe, le travail collectif : seul on va plus vite, ensemble on va plus loin. Il est nécessaire de bien s’entourer pour mener à bien ses projets. La réussite individuelle passe par la réussite collective avant tout.
Votre passé d’ancien sportif de haut niveau a-t-il été pris en compte pour votre recrutement ?
Je pense que oui. J’ai eu la chance de tomber sur un manager bienveillant, ouvert d’esprit, qui a su me donner ma chance. Une chose est sûre : en France, dès que nous proposons un profil qui sort de l’ordinaire, il est difficile de décrocher un contrat à durée indéterminée et, pourtant, le profil dit «atypique» a tellement de choses à faire valoir.
Est-il perçu aujourd’hui comme une valeur ajoutée ?
Je ne crois pas. Un DRH m’a dit une fois : on ne viendra que rarement te chercher pour quelque chose que tu as envie de faire mais on viendra te chercher pour une chose que tu sais faire.
Aujourd’hui, le fait d’indiquer à mes interlocuteurs que j’ai été footballeur professionnel, cela intrigue, passionne et impressionne mais le sportif professionnel, reconverti dans le monde de l’entreprise, n’est pas encore apprécié à sa juste valeur peut-être en raison d’une image souvent mal interprétée ou mal renvoyée par certaines stars exposées. Neymar, Ribéry, Rami sont des exemples que le grand public retient. Personne ne va penser à Mathieu Flamini, Daniel Narcisse, Paoline Ekambi, Boris Derichebourg qui sont devenus de véritables entrepreneurs.
Ne pensez-vous pas que l’obtention des Jeux Olympiques 2024 par la France va encourager les écoles à mettre en place des programmes adaptés aux sportifs de haut niveau et les entreprises à recruter des sportifs ou anciens sportifs ?
Je l’espère vraiment, mais je ne pense pas que notre culture soit encore prête. Lorsque j’ai fait mes études à l’Université Paris-Dauphine entre 2006 et 2008, j’ai pu bénéficier d’un programme pour les sportifs de haut niveau : le Master des Sciences et techniques en économie et gestion du sport (MST EGS). Malheureusement, celui-ci n’existe plus aujourd’hui.
Je ne saurais pas dire si d’autres écoles de renom proposent ce type de diplôme. Il y a certainement des initiatives qui ont existé et qui existent, mais cela reste trop à la marge.
À mon avis, pour faire recruter des anciens sportifs dans des entreprises, il faut qu’un sportif ayant été lui-même professionnel soit au COMEX de cette entreprise afin d’influer sur les autres patrons et inciter à la diversité. C’est comme tous types de sujets, si le sponsor n’est pas au COMEX pour soutenir votre idée / projet, celui-ci ne sera jamais écouté.
Ensuite, il faudrait cultiver une vraie culture du sport en entreprise. La FFSE n’a pas suffisamment de moyens (à mon sens) pour développer ce type d’initiative ou alors les entreprises ne sont pas suffisamment réceptives. Après, je parle avec ma connaissance du football ; je ne peux pas me prononcer sur les autres sports.
LA RECO DE SAMIR BENGELLOUN
" Je crois qu’il est essentiel de définir un projet professionnel clair et précis avant et pendant pour préparer l’après. Il doit savoir répondre aux questions : qu’est-ce que tu as envie de faire et quelles sont les compétences comportementales que tu as pu développer à travers ton sport ?
Ensuite, il faut qu’il commence à construire un réseau très tôt. Aujourd’hui, c’est largement faisable avec tous les outils et plateformes qui sont à notre disposition : LinkedIn, Facebook, Allyteams, Sportail Community, etc.
Je lui dirais bien évidemment d’être curieux et de ne pas s’enfermer uniquement dans son sport. Ouvre ton esprit, intéresse-toi au business, à d’autres métiers, d’autres univers.
Enfin, il est nécessaire d’aller à la fac / université pour construire son bagage intellectuel tout au long de ta carrière. "
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LIVRE BLANC L'EMPLOI DES SPORTIFS DE HAUT NIVEAU (lien de téléchargement)
Forte d’une communauté de plus de 3.500 sportifs ou ex-sportifs de haut niveau et de dizaines d’entreprises partenaires, Allyteams a voulu donner la parole aux acteurs du monde du sport, de l’entreprise et de la formation.
Ce livre blanc est l'occasion de donner la parole à 33 sportifs ou ex-sportifs de haut niveau ainsi qu’à des cadres d’entreprise et des directeurs de formation dont les témoignages offrent une grande variété :
- d’expériences dans différents secteurs d’activité au sein de PME ou de grandes entreprises;
- de compétences techniques et entrepreneuriales : ressources humaines, digital, finance, commercial, communication, marketing, droit, etc.;
- culturelle et internationale, notamment avec des entretiens de sportifs étrangers, mais aussi de sportifs nationaux au parcours international;
- au niveau démographique, des âges (15 à 75 ans) et des genres;
- d’expertise en matière d'accompagnement des sportifs avec l’apport de personnes expertes du sujet (notamment du côté des écoles ayant développées des programmes pour les sportifs).
Cette diversité témoigne du fait que chacun possède une partie de la solution aux problèmes de l’emploi et de l’employabilité des sportifs de haut niveau.