[Carnet de bord] Cyril Blanchard - Triathlon
L’IMAGERIE MENTALE... POURQUOI PAS MOI ?
Par Cyril Blanchard pour Nature Trail
Triathlète et préparateur mental, recordman français de l’Enduroman en 2016.
Elle peut avoir des effets impressionnants sur une performance ou sur une guérison. Et elle n’est pas réservée qu’aux professionnels ! L’idée ? Se plonger dans un état de relaxation pour s’imaginer les yeux fermés refaire ce mouvement que vous ne pouviez plus faire après une blessure ou battre un record personnel. À condition bien sûr de pratiquer assidûment. Car on s’entraîne mentalement autant que l’on s’entraîne physiquement.
Par Chloé Joudrier
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Pour développer ses capacités mentales, il faut s’intéresser au fonctionnement de notre cerveau. Il y a la partie que l’on connaît bien, qui est celle qui nous fait réfléchir, celle que l’on travaille au quotidien pour conduire, parler, courir... Et il y a une autre partie à la puissance insoupçonnée : l’inconscient, l’imaginaire. À force de méditer, de visualiser, de respirer, on active et stimule cette zone. « Le corps commande toujours sur le cerveau, commente Cyril Blanchard. C’est lui qui amène à la réussite ou à l’échec. Car c’est lui qui dit non le premier. Cela peut être viscéral, musculaire, tendineux, osseux, cardiaque. Donc si on apporte au corps les bonnes énergies, les bonnes visions, le cerveau va se mettre dans de bonnes conditions et va piloter. » Visualiser, c’est essayer de ressentir des choses par rapport à une image, un objectif donné. C’est aussi s’autoriser à rêver, à atteindre un but que l’on s’est fixé.
« Le pouvoir du cerveau est astronomique, mais on l’utilise peu. Car cette partie imaginaire n’est pas dans la partie raisonnée, raison- nable. »
SE FIXER UN OBJECTIF
Ce qui ne se mesure pas ne s’atteint pas. Alors avant toute chose, il faut se fixer un objectif. Cela peut être d’améliorer son chrono sur une distance donnée, viser le podium pour une course en particulier, se remettre sur pied après une opération... « Il faut que ce dernier soit suffisamment précis, clair et réalisable pour qu’on ait une capacité à visualiser et à rendre concrètes les choses dans notre cerveau », ajoute Cyril Blanchard. Attention à ne jamais le perdre de vue. Que ce soit lors d’un trek entre amis ou un trail en compétition, les attentes de chacun seront différentes. Certains auront envie de se faire plaisir, d’autres de se surpasser. Chaque individu interprète différemment le présent : « Quand je suis en compétition, je peux avoir prévu un objectif de départ qui peut se retrouver changé à cause de plusieurs facteurs. Mais ce qu’il faut, c’est ne jamais l’oublier, pour rester cohérent avec ce que l’on s’est fixé dans sa tête et ce que l’on demande à son corps. »
CRÉER UN CONTEXTE APPROPRIÉ
Pour optimiser une séance, il faut trouver un endroit adéquat. Méditer dans le métro n’est pas impossible, mais demande bien plus de concentration que de le faire chez soi ou au sommet d’une montagne. Les informations environnantes pourraient être anxiogènes et nuire à votre visualisation. Privilégiez donc un lieu calme qui se prête à la méditation. « Il faut se mettre dans de bonnes conditions pour visualiser et s’écouter respirer. Le positionnement aussi est primordial. On peut se mettre debout, assis ou allongé. Le tout est d’être à son aise. »
S’ÉCOUTER RESPIRER
L’étape suivante consiste à se concentrer sur sa respiration. Il ne s’agit pas de respirer comme on le fait au quotidien, mais bien de ventiler. En ayant les yeux fermés, prenez de grandes inspirations par le nez et soufflez par la bouche. « Tout part de là. Cela paraît simple, encore faut-il le faire. Et quand on met cela en place, cela va nettement mieux. On peut par exemple ventiler en cohérence cardiaque au rythme de 4 à 5 ventilations par minute. Une fois que l’on a fait ça, on se sent un peu détendu, les tensions éventuelles se relâchent... Et on peut passer à l’étape d’après. »
LE SCAN CORPOREL
Il est temps de s’écouter, de passer à ce que Cyril Blanchard appelle « le scan corporel ». Il nous explique sa méthode : « Je pars du bas, des appuis, comme ça, je ressens que je suis bien ancré dans le sol, bien stable. Si c’est au moment du départ d’une course, il faut être sur une respiration beaucoup plus dynamique, mais cela peut aussi se faire. Si je suis dans la détente, il s’agit de se relâcher, de ressentir toutes les parties du corps. Il y a déjà là un travail de visualisation. Je vois le muscle, et après je le ressens de l’intérieur, puis j’aligne les deux et je relâche toutes les parties de mon corps, des orteils jusqu’aux paupières. » Si vous avez des douleurs, c’est le moment de les accepter, de les recevoir et de les traiter comme une information à stocker dans un coin de votre cerveau. « Mais il ne faut pas que cela génère des angoisses et prenne toute votre attention. Quand on a mal, il faut intégrer la douleur et traiter le message en conséquence. Certaines données sont difficiles à traiter au niveau corporel, mais ce qui compte c’est la capacité du cerveau à ne pas l’amplifier. »
MÉDITER EN PLEINE CONSCIENCE
Après ces étapes de relaxation, le cerveau et le corps sont prêts à rentrer dans une phase de méditation. « L’idée est de rester en pleine conscience, dans l’instant présent. Le passé ne doit plus avoir d’emprise sur vous et le futur sera ce qu’il sera. Si je suis dans l’échec dans l’instant présent, je construis mon échec à venir. Il ne faut pas penser au stress éventuel de votre vie quotidienne, mais chasser les pensées parasites. La réalité présente est que je suis bien et que chaque chose doit être traitée en son temps. » Si vous avez pour objectif d’améliorer un record personnel, l’idée est de se faire concrètement un scénario de la course ou de ce que vous allez devoir faire à l’entraînement pour y arriver. Et bien sûr, il faut y associer des émotions agréables. « Cette activité cérébrale va activer les zones de votre corps comme s’il était en mouvement. Et petit à petit, le cerveau va gagner en élasticité. »
SE LAISSER RÊVER
« Je crois qu’en ce que je vois. » Pour faire de l’imagerie mentale, il faut sortir de cette maxime. « Il faut avant tout accepter de rêver et travailler pour croire en ce que vous voyez, mais les yeux fermés. Sans ça, je n’aurais jamais pu faire l’Enduroman. Je me suis entraîné à imaginer la course telle qu’elle allait se produire et à voir mon arrivée sur le vélo, avec l’Arc de Triomphe et les amis en fond. Il faut travailler sur des schémas plus subjectifs, s’autoriser à voir des choses qui peuvent paraître improbables aux yeux de tous. » Ce qui veut dire aussi de mettre ses peurs et ses émotions de côté. L’idée est de les apprivoiser, de les accepter pour qu’elles vous permettent d’avancer sereinement dans votre projet.
« Quand on se laisse rêver, tout devient juste fou ! Peu importe l’âge, la question qu’il faut se poser c’est “pourquoi pas” et “pourquoi pas maintenant”. Il ne faut pas oublier que l’intention dirige l’attention. Et grâce à cette attention, je mets les bonnes énergies, les bonnes émotions et je m’écoute. »
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La clé: la répétition
Il n’y a pas de secret, on travaille son mental de la même manière que l’on travaille son physique. « C’est un vrai entraînement. C’est la règle des trois R : petit 1 répéter, petit 2 répéter, et petit 3 répéter. Comme disent beaucoup d’entraîneurs, il n’y a pas de talent, il n’y a que de la répétition ! » Certaines études montrent que pour avoir un effet sur la neuroplasticité et donc créer un nouveau circuit dans notre cerveau et voir un effet sur le corps, il faut au moins 8 semaines d’entraînement à raison d’une séance quotidienne de 5 à 20 minutes.