[Carnet de bord] Melissa Heleine - Judo
Crédit photo : Jean-Marc Adem Jaleel
Judokate de haut niveau à l'INSEP, Melissa Heleine nous parle de l'évolution de la mode à travers le sport.
Tant que notre société devra se vêtir, la mode sera un choix
Nous avons toujours le choix. Ce sont nos choix qui définissent ce que nous sommes. J'aime beaucoup cette maxime. Ce matin, je porte un débardeur blanc d'une simplicité extrême, et un short plus que confortable en molleton gris. Je n'ai fait aucun effort stylistique, et pourtant, ces vêtements, je les ai quand même choisis. J'ai choisi le confort. Mes habits reflètent mon état d'esprit. Demain, peut-être aurez-vous un entretien important. Le costume cravate sera de rigueur, le tote bag de parisien branché sera supplanté par une mallette en cuir. Vous aurez besoin d'assurance, de crédibilité, de plaire, de convaincre. Votre costume reflétera votre état d'esprit. La mode est une influence, mais également un choix qui nous définit dès lors que nous nous habillons, et reflète notre société et nos mœurs.
Le sport est un bienfaiteur dans la mode
Bien qu'au temps de la Grèce Antique, le sport se pratiquait entièrement nu, les activités sportives contribuèrent bien plus tard à assouplir les contraintes que la mode imposait aux hommes, et surtout aux femmes. Les habits de chasse et de golf qui étaient originellement fonctionnels, se sont incorporés au fur et à mesure dans la garde-robe masculine car ils combinaient avec excellence la praticité, le style et la qualité, tout en cultivant une image dynamique. Il faut savoir que les femmes ont commencé à porter des pantalons pour pouvoir monter à vélo. Le corset et la crinoline faisaient alors bien pâle figure à côté de ce vêtement si pratique et confortable.
Mais si l'on inverse les choses, qu'apporte la mode dans le sport ? A-t-elle une influence ?
Ne sont-ils pas mignons, tous ces enfants qui une fois s'être vus offert leur si belle paire de basket au pied du sapin, et après quelques pas de course effrénés dans le salon, constatent indubitablement qu'ils courent désormais beaucoup plus vite qu'avant...
Nous ne sommes pas vraiment si différents une fois adultes. Pour briller en société, presque plus que pour performer, nos nouvelles-baskets-trop-stylées-qui-courent-super-vite nous permettent peut-être de franchir avec un peu plus de motivation le pas de la salle de fitness. Globalement, la mode nous influence dans le choix de nos affaires sportives, du moins c'est ce sur quoi comptent les enseignes de sport pour développer leur chiffre d'affaires, en proposant continuellement des vêtements de sport au plus proche des tendances. Mais il y a des limites qui se clarifient à mesure que la pratique sportive se professionnalise. En effet, les objectifs des sportifs de haut niveau passent avant toute chose. La mode ne doit pas être un frein mais une aide. En extrapolant, une nageuse professionnelle choisira sans hésiter un maillot une pièce aérodynamique pour espérer décrocher une médaille, plutôt qu'un bikini.
Une mode encadrée
La mode se voit également tempérée par plusieurs facteurs dans le monde du sport. Les règles de sport par exemple, intègrent l'hygiène et la sécurité des participants. Exit les brassières push-up avec agrafe métallique dans les sports de combat, au revoir les bijoux, et adieu les faux ongles ultra longs. En s'appuyant sur l'image et la notoriété du sportif pour promouvoir des produits de marque, le sponsoring propulse inévitablement l'athlète dans la sphère de la mode. Certes les produits que porte ce dernier sont avant tout pensés pour la performance, mais s'avèrent tout autant des concentrés de design. Néanmoins, l'athlète voit l'univers de la mode se restreindre face à lui, puisqu'il doit porter en priorité, voire en exclusivité les produits de la marque qui le rémunère. Qu'importe le coup de cœur que peut avoir Teddy Riner pour un tee-shirt Nike, il ne se risquera pas à le porter, lui qui est sous la coupole d'Under Armour depuis 2017.
Sport et mode, vers une estompe des frontières ?
Le business décloisonne les mondes. Si l'on prend l'exemple du maillot de football, on constate que le 20ème siècle aura permis à ce vêtement de se faire une place dans la garde-robe des hommes, et de ce fait, une symbolique dans la société tout entière. Alors que le Paris Saint Germain Football Club dépasse le million de vente de maillots en 2019, la fashion Week de Paris s'emparait également de maillots de sport cette fois siglés Balenciaga, une célèbre marque de luxe française. Et l'industrie de la mode haut de gamme ne s'y trompe pas : short de boxe version Gucci, création de gamme de sport chez Dolce Et Gabbana... Certaines marques en ont d’ailleurs fait leur concept, à l'instar de la marque Sportmax, un savant mélange de design classique et sportif. En 2020, il est désormais difficile de citer des marques imperméables à l'influence du sport, et vice versa.
Mais le sportif lui, stricto sensu, nous rappelle une chose, l'authenticité. Avec ou sans combinaison Nike sponsorisée, Serena William reste la même femme sur le court : une athlète qui recherche la performance. Et chaque dimanche, avec ou sans mode, votre footing reste et demeure un exercice, pur et sans artifice.