Entretien avec Raphaël Poulain

10 mai | Vidéos | Raphael POULAIN

Bonjour Raphaël, je te remercie de me recevoir pour cette interview. Pourrais-tu s'il te plaît te présenter en quelques mots ?

En quelques mots ça va être dur ! Je m'appelle Raphaël Poulain, j'ai 37 ans je suis originaire de Picardie.
J'ai eu la chance d'être rugbyman professionnel pendant sept ans au Stade Français, j'ai fait une petite carrière de comédien, j'ai fait une grosse grosse introspection pour comprendre un peu ce qui m'était arrivé dans mon enfance, mon adolescence, dans le monde du sport aussi qui était très particulier: un
rugby qui devenait professionnel. J'ai fait une grosse introspection, j'ai écrit un bouquin qui s'appelle "Quand j'étais superman", j'ai repris des études de philosophie, j'ai fait une formation de coach mental
et aujourd'hui je suis papa d'un petit gars de deux ans, je suis sur Eurosport et je fais des conférences dans le monde du sport et de l'entreprise.

Est-ce que durant ta carrière tu songeais parfois à l'après-rugby ?

Une carrière de sportif c'est délicat parce qu'il faut être dans le court terme, il faut penser à la semaine d'après, il faut penser au match d'après, il faut penser à sa préparation d'avant saison c'est très difficile
d'arriver à se projeter à moyen terme sur ce que l'on voudra faire après parce que c'est un métier. Etre sportif de haut niveau et être sportif professionnel c'est un véritable métier à risque parce que le corps est concerné, parce qu'il y a les émotions, le mental et toute une spiritualité. Qui croit en nous ? Il y a beaucoup de problématiques liées à la performance pure sur le terrain sur l'instant présent donc il est très difficile d'arriver à se projeter à moyen terme sur ce qu'on voudra faire après. C'est comme demander
à quelqu'un qui est très bon commercial et qui cartonne de penser à ce qu'il devra faire peut-être dans un an ou dans deux ans quand son CDD va s'arrêter donc ce sont des sujets sur lesquels je ne me suis pas intéressé quand j'étais plongé dans ma carrière. J'étais plongé à corps perdu donc j'ai pas vraiment
réfléchi ce que j'allais faire après.

Dans ton livre "Quand j'étais Superman" tu évoques des périodes très difficiles de ta vie d'après rugby notamment lorsque tu te retrouves au RSA et que tu vends tes maillot du Stade Français. Avec le recul qui est le tien aujourd'hui quel regard tu portes sur cette période difficile de ta vie ?

Comme je le dis, l'après carrière c'est ce qu'on appelle "la petite mort" pour tous sportifs amateurs et surtout professionnels et sportifs de haut niveau c'est une fois de plus qu'est ce qu'on fait de son corps qu'on a formé et qu'on a formaté pour répondre justement à des performances bien calibrées ? Qu'est-ce
qu'on fait ces émotions qu'on a mis aussi un petit peu de côté pour pouvoir être performant à l'instant "t " ? Qu'est ce qu'on fait de son mental, le fameux grand mental dont on nous parle en France ? Et qu'est -ce que cette spiritualité une fois de plus ? Qui croit en nous et en quoi on croit ? Le sportif et la sportive donne une image d'être humain accompli mais on est des êtres humains en devenir et quand tout s'arrête la complexité c'est de retrouver sa place dans une vie "normale" et remplir le frigo, avoir un métier. Quelles sont nos compétences quand on arrête ? Quelles sont les compétences qui nous ont permis d'atteindre le très haut niveau ? Et qui croit en nous et en quoi on croit? Il faut arriver à s'humaniser donc cela demande de franchir un cap ce qu'on appelle la "petite mort du sportif", moi je l'ai vraiment vécue. J'ai fait un burn-out, j'en parle très librement aujourd'hui parce que c'était une phase nécessaire pour moi pour devenir ce que je suis aujourd'hui. Ca a été très dur mais c'est salvateur et l'idée c'est de sensibiliser les sportifs qui sont en carrière pour les prévenir de la fin de carrière et les aider justement à franchir ce cap pour revenir à une vie "normale". C'est clair que pour ma part ça a été très difficile et j'étais peu accompagné. Provale m'a accompagné, mes parents m'ont accompagné. Mais de manière très professionnelle, psychologiquement et professionnellement, je n'ai pas été accompagné donc l'idée aujourd'hui c'est de pouvoir accompagner ces sportifs.

Tu as connu des moments donc très compliqué et aujourd'hui, dix ans après la fin de ta carrière, tu es conférencier, consultant sur Eurosport, acteur. Quel a été ton déclic dans ton processus de reconversion ?

Il y a deux déclics: le premier c'est quand j'ai rencontré Richard Escot qui est un journaliste à l'Equipe, qui est aussi philosophe et qui m'a dit "voilà tu étais dans le paraître pendant 27 ans il va falloir que tu ailles découvrir qui tu es à l'intérieur "l'être" pour trouver l'équilibre entre les deux" et il m'a balancé un bouquin de philosophie de Luc Ferry "Apprendre à vivre" et je me suis plongé dans la philosophie. Comme un sportif peut se plonger après carrière dans des addictions comme l'alcool, la drogue ou le sexe, c'est des choses qui peuvent arriver et qui arrivent très souvent. Moi je me suis plongé dans la philosophie donc j'ai voulu comprendre un peu tout ce qui m'était arrivé, mes sources de motivations extrinsèques, mes sources de motivations intrinsèques, les rôles que j'avais joués aussi pour mes parents, pour la société, pour les supporters, pour mon entraîneur, pour mes potes aussi autour de moi. Pendant cinq ans je me suis plongé dans la philosophie, la psychologie, la psychanalyse, la mythologie. Malheureusement je suis devenu con et dogmatique. Malheureusement et heureusement parce qu'un jour ma femme m'a dit "écoute tu es devenu con donc on s'arrête là". Elle avait sa part de responsabilité tout comme moi et là j'ai fait un burn out et j'ai véritablement compris qu'il est important de pouvoir se regarder en face, de voir un petit peu tout ce qu'on avait accompli tout ce que j'avais accompli jusqu'à mes 33 ans. J'ai touché le pied au fond de la piscine et j'en suis ressorti bien plus puissant et, en fait, un être humain complètement assumé aujourd'hui et en devenir. Donc c'est un parcours qui peut paraître mythologique, c'est un voyage initiatique mais qui m'amène aujourd'hui à être bien avec moi-même et mieux avec les autres. Ca a été des moments qui ont été très très difficiles mais que je ne peux pas regretter parce que ce sont des phases qui m'ont permis de devenir ce que je suis.

Quel est selon toi le meilleur conseil que tu pourrais donner aux jeunes générations de sportifs et sportives en carrière sur le sujet de la reconversion ?

Vivez votre carrière à fond mais la vie de sportif de haut niveau et la vie de rugbyman professionnel et de sportif professionnel n'est pas la réalité de ce que vivent la plupart des gens. Donc vous faites rêver les gens, vous vivez aussi des rêves éveillés, on sait la complexité des sportifs de haut niveau notamment sur la diététique notamment sur le regard qu'on a sur notre propre corps. Donner des conseils c'est délicat parce qu'il faut être consacré à 100% à sa carrière. Sur la transition sur l'après carrière c'est de l'anticiper, le dire aux sportifs de haut niveau mais aussi aux entreprises, aux sponsors qui gravitent autour des sportifs. Quand ils sont en haut de l'affiche mais aussi d'aider les sportifs aussi à franchir ce cap. Les clubs aussi dont les sportifs sont salariés, je parle des sportifs professionnels. Accompagner le sportif c'est de la co-responsabilité : on ne peut pas demander à un sportif qui a donné pendant 10, 15, 20 ans de sa vie, son corps et ses émotions et tout ce qui fait la complexité des sportifs au public et à tous les gens qui sont autour pour, du jour au lendemain, lui dire "Ecoute maintenant tu as ton argent, tu as ta notoriété et la porte est par ici". Il faut de l'accompagnement, il faut un suivi à la fois psychologique et professionnel pour accompagner le sportif en fin de carrière à trouver une place dans la société.

La startup Allyteams avait seulement un mois d'existence quand je te l'ai présentée et tu as tout de suite été très enthousiaste à l'idée de la voir se développer. Qu'est ce qui t'a plu et qu'est-ce qui te plaît dans la démarche d'Allyteams ?

Aujourd'hui comme tu l'as dit je fais des conférences en entreprise et dans le monde du sport pour sensibiliser et prévenir des risques psychosociaux. Je raconte mon histoire. En général ça touche vraiment les gens justement pour remettre l'humain au centre des problématiques et au centre des
préoccupations managériales. Et aussi de bien comprendre ce que peut vivre un sportif avant carrière pendant et après carrière. La grande frustration que j'ai quand je termine mes conférences, c'est de dire "voilà maintenant débrouillez-vous". Aujourd'hui je pense qu'Allyteams c'est une nécessité, c'est presque vital pour le sportif de pouvoir être accompagné donc d'avoir cette plateforme digitale pour pouvoir s'y inscrire. Et puis de bien comprendre que c'est un accompagnement qui va permettre justement de créer un pont vers ta future carrière plutôt qu'un gouffre. La "petite mort" quoi qu'il arrive elle sera là mais avec ce genre d'outil ça peut permettre justement d'éviter ce que moi j'ai vécu pendant dix ans, cette quête identitaire, de trouver ma place dans la société aussi professionnellement. C'est d'accompagner le sportif sur cette fin de carrière pour qu'il puisse trouver un boulot, pour qu'il puisse trouver une place dans la société, une place en entreprise grâce au bilan de compétences grâce aux entreprises qui t'accompagnent grâce à cette plateforme. Parce qu'aujourd'hui moi j'ai rien à y gagner justement d'être là face à vous honnêtement. C'est juste de dire que c'est un outil aujourd'hui qui est nécessaire voire vital pour le sportif pour la suite de sa carrière, c'est d'être connecté à des sponsors, d'être connecté à des entreprises qui vont vous accompagner et aussi des formations qui vont vous permettre de trouver et de retrouver une place.

Raphaël, je te remercie beaucoup et puis je te souhaite une excellente continuation

Bonne continuation à toi et bonne continuation à ta boîte qui est nécessaire dans le monde du sport. Merci à toi.