[Livre Blanc Allyteams] L'interview de David Douillet

11 février | Actualités | Yara Furlan
[Livre Blanc Allyteams] L'interview de David Douillet | Allyteams

David Douillet est un ancien judoka français double champion olympique et quadruple champion du monde reconverti dans la politique et les affaires.

 

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En quelques mots ...

À l’âge de 11 ans, David Douillet débute le judo dans sa région natale près de Rouen. Doté de prédispositions physiques évidentes, il intègre l’INSEP à 17 ans et confirme rapidement les espoirs placés en lui en décrochant son premier titre de champion de France en 1991 avant une médaille de bronze aux Jeux Olympiques de 1992 à Barcelone.

À 24 ans, David Douillet franchit un nouveau cap en devenant le premier champion du monde chez les lourds. Trois nouveaux titres de champion du monde suivront. C’est en 1996 que la consécration arrivera avec le titre olympique. Porte-drapeau de la délégation française lors des Jeux Olympiques 2000 à Sydney, il remporte une nouvelle fois l'or, devenant ainsi le judoka le plus titré au niveau international.

Retraité des tatamis, David Douillet s’engage aux côtés de Bernadette Chirac dans l’opération caritative Pièces jaunes. Personnalité préférée des français durant plusieurs années, il diversifie ses activités : chef d'entreprise, consultant sportif, ambassadeur...

En 2009, il fait son entrée en politique, étant élu député dans les Yvelines. Deux ans plus tard, il entre au gouvernement en étant nommé secrétaire d'État chargé des Français de l'étranger. En septembre 2011, David Douillet devient ministre des Sports jusqu'en juin 2012. Il sera réélu député des Yvelines en 2012. Il travaille aujourd’hui sur un important projet mêlant l’assurance, la finance et l’immobilier mais toujours avec le fil rouge du sport...

Après l’arrêt de votre carrière sportive sur un titre de champion Olympique à Sydney, vous vous êtes lancé avec succès dans de multiples activités. Comment s’est passée cette transition ?

Je dirais que la transition a été progressive. J’ai envisagé l’après- carrière très tôt en créant la société « Double D-Import » qui avait pour objet de construire et vendre du matériel d’entraînement de fitness pour les particuliers et qui est rapidement devenue une référence dans le domaine. Cette société existe toujours et s’est depuis spécialisée dans la fabrication et la vente de matériel de sport dans le secteur des arts martiaux et des sports de combat.

Après mon titre à Sydney, je suis entré dans le monde de l’audiovisuel et plus particulièrement de la production télé. Je me suis associé à Jean-Luc Delarue afin de produire des documentaires sportifs. J’ai également travaillé avec Jean-Claude Darmon et j’ai appris le marketing sportif. Puis, très rapidement, j’ai mis mes acquis dans ce domaine en application et je suis entré au sein de la société Canal+ pour négocier et gérer des droits sportifs.

Vous avez également été député et ministre. Comment êtes-vous venu à la politique ? Etait-ce une évidence pour vous de vous engager ?

Il est toujours difficile de déterminer les causes profondes d’un engagement en politique. Pour moi, c’était une volonté de rendre, de redonner modestement à mon pays tout ce qu’il avait pu m’apporter. J’avais aussi envie de m’engager et de prendre des décisions sur des sujets qui me tenaient à cœur et d’apporter un regard qui, du fait de mes expériences, était peut-être différent. J’ai eu la chance d’avoir une séquence politique de près de 10 ans passionnante et d’exercer notamment deux mandats comme député de la 12ème circonscription des Yvelines. Arrivé à la fin du dernier mandat en 2017, j’ai ressenti un essoufflement et j’ai préféré prendre d’autres voies que celle de la politique.

Que faites-vous depuis ?

Je travaille sur un important projet mêlant trois secteurs distincts : l’assurance, la finance et l’immobilier, mais toujours avec le fil rouge du sport. J’ai le plaisir d’avoir retrouvé l’univers de la télévision la saison passée en tant qu’animateur dans l’émission “Sans se braquer” sur la chaîne AutoMoto. J’ai d’ailleurs un nouveau projet : j’irai à la rencontre de personnes ayant des problématiques variées concernant leurs véhicules...

Que vous apporte votre carrière de sportif au quotidien dans vos activités professionnelles ?

J’estime tout devoir à ma carrière de sportif. Je considère que ma période sportive est « ma Grande Ecole », comme l’aurait été un parcours au sein d’une Grande Ecole de Commerce, à Sciences Po ou à l’ENA, par exemple. La force de la pratique d’un sport à haut niveau est d’être une école de la vie. Elle nous apprend à nous dépasser, à nous plier à des fondamentaux, des principes forts qui vont au fil des ans nous donner une droiture et une clarté dans les objectifs que l’on se fixe. Je dirais en quelque sorte que cette pratique développe très fortement les qualités humaines. C’est ce qui m’a permis d’évoluer dans des mondes très différents. Car au final, quand tu arrives dans un nouveau secteur ou une nouvelle activité, ce n’est que la technique et le langage qu’il faut apprendre. Cela prend du temps
mais c’est à la portée de chacun. Par exemple, quand je suis passé du monde de la télévision à la politique, il m’a fallu apprendre à maîtriser un langage, apprivoiser des mécanismes et des codes, mais en ce qui concerne l’organisation, la mise en place d’objectifs, la capacité à se projeter, anticiper, à constituer des équipes et à manager, c’est mon expérience d’athlète de haut niveau sur laquelle je me suis appuyé pour avancer.

Avez-vous géré seul votre carrière sportive ?

Oui, j’ai toujours tenu à être le chef de ma carrière, sportive mais également professionnelle, en décidant avant tout des personnes avec lesquelles je voulais travailler. Je fais souvent le choix de travailler avec des gens bien meilleurs que moi, mais également complémentaires, dans les secteurs ou les activités au sein desquels je me lance. Travailler avec des personnes spécialisées me permet d’apprendre beaucoup plus vite et, pour ma part, j’endosse souvent le rôle de chef d’orchestre. J’ai donc pour rôle de monter le projet, fixer les objectifs et m’assurer que toute l’équipe s’engage et déploie son énergie dans la même direction. C’est essentiel.

Vous connaissez très bien le monde des affaires pour avoir lancé plusieurs projets entrepreneuriaux. Selon vous, quelles sont les clés de la réussite en entreprise pour un sportif ?

À mon sens, la réussite, quel que soit le domaine, passe par la fixation d’un objectif clair et précis. Le fonctionnement est le même que dans le monde du sport, et c’est pour cela que je suis persuadé que les sportifs ont toutes les clés pour réussir dans le monde de l’entreprise.

À titre personnel, je me souviens que lorsque j’étais enfant, je voulais être champion du monde. Ce n’était ni champion d’Europe, ni champion olympique, c’était champion du monde. Je me suis donc focalisé sur cet objectif et j’ai tout mis en place pour arriver à l’atteindre. Lorsque je suis devenu champion du monde, j’ai réutilisé la même méthode pour conserver mon titre mais également pour aller en acquérir de nouveaux. Arrivé dans le monde professionnel, je n’ai pas changé de credo même si l’objectif était cette fois-ci très différent puisqu’il s’agissait de la création d’un fonds d’investissement. Aujourd’hui, dans l’immobilier, je m’entoure de personnes extrêmement compétentes et de confiance afin de créer un nouvel objet immobilier dans le monde du sport et de l’associatif. Je sais que nous allons atteindre cet objectif car je sais exactement où je vais.

Cela ne veut pas dire qu’il est impossible d’avoir plusieurs objectifs en même temps. Au contraire, cela peut permettre de parvenir à un équilibre et de rester toujours en mouvement même si l’un de vos projets ne va pas aussi vite que vous le souhaitez. Les autres vous permettent d’avancer. Comme je vous l’ai dit, j’ai aujourd’hui trois objectifs qui me permettent d’avoir un équilibre entre mes différents projets toujours grâce au fil rouge du sport. Grâce à mon parcours, je connais très bien ce secteur, ses acteurs (les fédérations, les clubs, du bas de la pyramide jusqu’au sommet) et le fonctionnement des institutions sportives. Avoir un domaine de spécialité permet de se construire une base solide. Je m’entoure d’une équipe dont les spécialités sont différentes, ce qui nous permet d’avoir un fonctionnement complémentaire. En synthèse, le choix d’un domaine, la spécialisation et la fixation d’un objectif clair constituent, selon moi, les prérequis essentiels à la réussite.

Transparaissent de votre discours de la détermination et beaucoup de confiance. Avez-vous parfois des doutes ?

Bien sûr, je doute tous les jours. Ne pas avoir de doutes est synonyme d’absence de remise en question ou alors de zone de confort. Mais quand je me fixe un but, un objectif précis, je fais tout ce qui est possible pour l’atteindre et, pour cela, j’explore toutes les pistes qui me semblent pertinentes pour me conduire à la réussite. Je n’envisage jamais l’échec non par prétention mais parce je garde les yeux fixés sur mon objectif. Quand j’ai des doutes, je prends le temps de vérifier que je suis toujours bien centré et que j’avance vers celui-ci, même si cela prend parfois du temps.

Selon vous, c’est cet état d’esprit et cette détermination sans faille qui vous ont permis de vous maintenir à très haut niveau pendant des années ?

Oui, sans aucun doute. Depuis tout petit, quand je me lève le matin, j’ai envie de réussir. Cet état d’esprit m’a permis de construire la carrière sportive que j’ai eue et de me maintenir des années durant au meilleur niveau, avec l’envie de toujours mieux faire. J’ai gardé cet état d’esprit dans ma carrière professionnelle. Plus largement, je dirais que la vie d’un athlète ne se limite pas à sa carrière sportive. Je me considère toujours comme un athlète. Je le suis dans mon âme, dans mon fonctionnement, dans ma façon de regarder, d’écouter, d’entendre et d’analyser. Je pense que c’est une grande force pour réussir à mener à bien ses projets, qu’ils soient sportifs hier et professionnels aujourd’hui et demain.

Avec le recul, quel regard portez-vous sur votre carrière de sportif ?

J’ai eu l’immense chance que la grande école du sport m’ait permis de réaliser mes rêves d’enfant. Le problème c’est que lorsqu’à 30 ans on a assouvi ses rêves, et Daniel (Narcisse) ne sera pas là pour me contredire car je suis persuadé qu’il a vécu la même chose, il n’est pas simple de démarrer une deuxième, une troisième, une quatrième vie. Mais grâce à cette école du sport, j’ai eu plusieurs vies à seulement 50 ans : une première dans le sport, une autre dans le monde de l’audiovisuel, une troisième en politique et une quatrième dans le monde des affaires.

Pour résumer, avec le recul, et même si je suis fier des multiples titres obtenus sur les tatamis, ma vraie médaille, celle qui a le plus de valeur aujourd’hui à mes yeux et qui me sert tous les jours, c’est d’être passé par l’école du sport qui fait de nous sportifs de haut niveau des diplômés.

Quels sentiments a provoqué chez vous l’obtention par la France de l’organisation des Jeux Olympiques 2024 ?

Beaucoup de fierté en tant qu’ancien sportif de haut niveau et en tant que français. J’ai également ressenti une certaine satisfaction d’avoir pu y contribuer un tant soit peu. Lorsque Bernard Lapasset, co-Président du comité de candidature Paris 2024, m’a appelé quelques jours après l’officialisation de l’obtention des JO 2024 par la France, il m’a dit que le rapport que j’avais rendu à Nicolas Sarkozy lorsque j’étais député et ce que j’avais mis en place en tant que ministre des Sports avaient été un élément fondateur ayant permis de lancer la candidature. J’ai ressenti beaucoup d’émotions. Il ne pouvait pas me faire plus plaisir car, en réalité, j’avais travaillé sur ce projet bien avant d’être ministre des Sports. Beaucoup d’autres personnalités ont brillamment œuvré à ce mouvement qui a permis de relancer la croyance de la France et des français en notre capacité à organiser de grands évènements. Je suis très heureux que ce projet ait pu aboutir.

Selon vous, que vont apporter les Jeux Olympiques à la France ?

Sans hésiter, je dirais que les Jeux Olympiques vont apporter à notre pays un accélérateur de 30 ans de culture sportive et c’est extraordinaire pour nos enfants. Ils vont avoir un impact sur la culture du sport en France, l’apprentissage du sport en France et sur les valeurs que le sport véhicule. Cet évènement va également permettre d’accélérer le changement de regard sur les sportifs qui, certes, évolue depuis des années mais plutôt lentement. Les Jeux Olympiques doivent faire de la France un pays de sport, durant la compétition, mais après également. C’est l’héritage que notre pays devra conserver. Il faudra capitaliser sur ses apports.

 

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culturelle et internationale, notamment avec des entretiens de sportifs étrangers, mais aussi de sportifs nationaux au parcours international;
au niveau démographique, des âges (15 à 75 ans) et des genres;
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Cette diversité témoigne du fait que chacun possède une partie de la solution aux problèmes de l’emploi et de l’employabilité des sportifs de haut niveau.