[Livre Performance Allyteams] Interview Lionel Maltese - KEDGE Business School

31 janvier | Actualités | Maximin DUMAS
[Livre Performance Allyteams] Interview Lionel Maltese - KEDGE Business School | Allyteams

Lionel Maltese est Professeur Associé à KEDGE Business School et Maître de Conférences à l’Université d’Aix-Marseille.

Réputation et valorisation de la performance des « marquee players ».

La question de la valeur sportive et marchande d’un athlète de haut niveau est une question qui a toujours fait débat pour les clubs et les grands événements. En effet, le prix d’achat de Neymar et Kylian Mbappé sur le marché des transferts dans le football ou encore ceux de Kevin Durant et Kawhi Leonard en tant qu’agents libres au sein de la NBA est un investissement stratégique clé pour les clubs sportifs professionnels. De même, dans le contexte événementiel, le montant des garanties financières allouées pour la venue de Roger Federer ou de Rafael Nadal dans le tennis est également un choix stratégique majeur pour les organisateurs de spectacles sportifs. La grande différence qui existe entre les clubs et événements concernant leurs choix d’investissement sur le marché des transferts et des garanties est liée à la relation contractuelle avec l’athlète de haut niveau. Pour un club il s’agit d’un contrat salarial et d’un contrat d’une ou plusieurs années de prestation sportive et/ou d’image dans l’événementiel. Si dans un club, une revente d’un athlète formé dans son propre centre de formation ou tout simplement revendu est possible dans l’événementiel cela n’existe pas.

Il est évident que la performance sportive est un indicateur clé d’achat de compétences techniques liées au cœur de métier d’un athlète.  Les classements sportifs individuels, l’évolution de l’analyse des données et des statistiques sportives sont des indicateurs de performance de plus en plus précis. Les expertises médicales et la prévention face aux blessures ont été également des facteurs pris en considération notamment dans les grandes ligues nord-américaines.

Pour autant, la compétence purement sportive bien que centrale dans le choix d’investissement sportif de la part d’un club, d’un événement voire d’un partenaire-annonceur, n’est plus l’unique critère. L’avocat agent de sportifs professionnels, Mark McCormack, pionnier du marketing sportif avec la création d’IMG dans les années 1960, a su saisir les opportunités de marché des marques athlètes et son potentiel dans l’ère de la télévision avec son premier client Arnold Palmer dans le golf puis de manière non exhaustive Gary Player, Jack Nicklaus, Björn Borg, Chris Evert, Pete Sampras, Michael Schumacher, Charles Barkley, Tiger Woods…

Alors comment faire un choix à la fois sportif et marketing dans un marché s’apparentant de plus en plus à celui de l’Entertainment. Les expertises sportives et marketing sont différentes et nécessitent des nouvelles compétences complémentaires. Il existe un cas français qui est paradoxalement peu mis en lumière qui est celui d’Éric Cantona. Lorsqu’il est devenu le « King » en 1992 en étant transféré à Manchester United pour 1.2 million de livres sterling, ses impacts à la fois sportif et marketing sont probablement uniques à l’époque pour un sportif français. Jean-Claude Killy dans une discipline plus confidentielle et une époque moins médiatique a initié la naissance de ce que l’on appelle de nos jours les « marquee players ».

Internationalement Michael Jordan est la référence ultime et l’engouement de la série « The Last Dance » sur NETFLIX ne fait que confirmer que Jordan, plusieurs années après sa retraite, est une marque intemporelle… Dans le football, outre Cantona, David Beckham illustre le basculement de valorisation où le sportif est devenu secondaire à la fin de sa carrière avec le PSG. À cette époque la réputation internationale du joueur anglais a servi d’accélérateur marketing en Asie et à l’international pour le développement de la marque PSG…

Si la valeur sportive est quantifiable, comment valoriser la marque athlète et le potentiel transfert de réputation pour l’acquéreur à savoir le club, l’événement ou l’annonceur ?

Au moment où l’on parle de transfert d’image ou d’image de marque, la notion même de réputation est paradoxalement absente alors que de nombreux universitaires et professionnels ont développé une expertise reconnue en la matière. Selon l’organisme mondial de référence sur l’étude de la réputation des entreprises, des villes et des pays, le Reputation Institute, « les réputations sont les perceptions qu’ont les personnes pour une entreprise, une ville ou un pays. Ces perceptions sont la résultante des expériences que les personnes ont vécues, des messages qu’ils ont entendus ou vus et des conversations auxquelles ils ont été exposés ». Une différence majeure est mise en évidence entre la marque et la réputation. « La marque est une promesse. Faire une promesse claire et distinctive permet de construire sa marque. La réputation se construit via les promesses faites aux parties prenantes. Si une entreprise possède sa marque, ce sont les parties prenantes qui possèdent sa réputation ».

Certains athlètes ont su créer des marques personnelles. Jordan, encore une fois, est la référence. Mais le management et la construction de leur réputation sont plus complexes. Pourtant les fameuses parties prenantes telles que les médias, clubs, événements, partenaires, institutions, agents, autres athlètes… sont à l’origine de la réputation d’un sportif de haut niveau… La communication et donc la manière de s’exprimer auprès de l’ensemble de leurs parties prenantes feront la bonne ou mauvaise réputation des athlètes.

Charles Fombrun, Professeur Emérite de la New York Stern University et fondateur du Reputation Institute explique qu’en étant visible, authentique, transparente, cohérente et distinctive, une personnalité ou une organisation optimise sa « bonne » réputation. Rares sont les athlètes voire les personnalités du monde de l’Entertainment qui s’expriment en activant ces cinq principes.

Outre Jordan, un athlète d’exception a su travailler à la fois sa marque et sa réputation et devenir encore plus attractif avec l’âge sans être le meilleur au classement mondial. Si je vous dis : élégance, qualité, authenticité, excellence, faire bien, persévérance. Ces six attributs peuvent facilement caractériser la personnalité sportive et extra-sportive de Roger Federer. Pourtant, il ne s’agit pas au départ des principes qui guident ce qu’il fait ou dit mais ceux de la marque Rolex avec qui il s’est marié à vie…