[Livre Performance Allyteams] Interview Denis Masseglia - Président du CNOSF (2009-2021)

6 avril | Actualités | Maximin DUMAS
[Livre Performance Allyteams] Interview Denis Masseglia - Président du CNOSF (2009-2021) | Allyteams

Président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) de 2009 à 2021, Denis a aussi été sportif de haut niveau en aviron et a présidé la Fédération Française des sociétés d’Aviron de 1989 à 2001.

Denis, pourriez-vous vous présenter ?

Je suis l’ancien Président du Comité National Olympique du Sport Français (CNOSF), j’ai réalisé 3 mandats au sein de ce comité (2009-2021).

Auparavant, j’ai été Président de la Fédération Française d’Aviron entre 1989 et 2001, puis Secrétaire Général et Vice-Président du CNOSF, avant d’en prendre la présidence en 2009.

Dans un passé plus lointain, j’ai été sportif de haut niveau en aviron et ai participé au championnat du monde mais n’ai jamais eu la chance de participer aux Jeux olympiques. Enfin jusqu’en 2009, j’étais enseignant, agrégé de physique, dans une classe préparatoire aux grandes écoles.

Pourriez-vous nous indiquer quel est le rôle du CNOSF ?

Le CNOSF a deux missions essentielles.

La première provient du Comité International Olympique (CIO) qui confie à chaque Comité National Olympique (CNO) le soin de défendre et de promouvoir l’olympisme dans son pays, ce qui permet à chaque CNO de sélectionner les athlètes qui participent aux Jeux olympiques et, le cas échéant, de pouvoir signer l’acte de candidature d’une ville du pays pour l’organisation des Jeux. Par conséquent, le pouvoir donné par le CIO au CNO est très important.

La deuxième mission du CNOSF lui est donnée par la loi française car le CNOSF est le représentant du mouvement sportif auprès des pouvoirs publics. Le mouvement sportif est composé de 180.000 associations qui sont réparties dans 90 fédérations membres du CNOSF, ce qui donne au mouvement sportif la première place de tous les mouvements associatifs et qui permet au CNOSF d’être la courroie de transmission entre les pouvoirs publics et les différentes fédérations ou clubs qui sont affiliés au CNOSF.

Qu’entend-on par l’olympisme, terme auquel vous faites référence dans le cadre de la première mission du CNOSF ?

Il s’agit pour le CNOSF de transmettre ce que le CIO a comme action, lesquelles s’inscrivent à la fois dans l’organisation de compétitions, dont les Jeux olympiques, mais aussi les Jeux olympiques de la Jeunesse par exemple ou d’autres manifestations.

De plus, le CIO a des actions qui vont plus loin car cette institution a des partenariats avec l’Organisation des Nations Unies (ONU), l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), par conséquent, les CNO ont pour mission de décliner tous les partenariats que le CIO détient dans le monde. Enfin, il y a aussi des partenariats avec le monde économique et nous avons aussi comme mission de promouvoir le partenariat du CIO avec ses partenaires économiques.

Quel a été le rôle du CNOSF dans l’obtention des Jeux olympiques de Paris 2024 ?

Pour répondre précisément à cette question, il est nécessaire de se reporter en 2011 lorsque la France est candidate pour les Jeux olympiques d’hiver de 2018 avec la candidature d’Annecy. Jusqu’à cette candidature, toutes celles qui avaient eu lieu émanaient de déclarations de responsables politiques locaux, donc d’une volonté politique locale, et le CNOSF était raccroché à ces volontés de candidature et essayait de peser le pour et le contre.

À titre d’exemple, nous avons eu à choisir notamment entre Lille et Lyon pour la candidature en 2004, puis entre Annecy, Nice et Grenoble pour la candidature de 2018.

En 2011, une grande décision a été prise, il a été décidé que si candidature il devait y avoir, elle émanerait nécessairement du CNOSF.

Nous nous sommes donc dit au CNOSF que si nous voulions être candidat pour 2024, il fallait réfléchir à cette candidature, démontrer qu’elle pouvait être intéressante pour la France, que nous avions des chances de gagner. Dans ce contexte, il fallait se poser la question de l’étude d’opportunité en se disant que l’objectif d’une candidature était que la France devienne un pays sportif, ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui.

Cependant, le CNOSF n’était pas seul à décider de la candidature de la France car pour faire acte de candidature il faut deux signatures, celle du Président du CNOSF mais également celle du ou de la maire de la ville candidate, et la maire de Paris a attendu que le CIO définisse son agenda pour vérifier que les conditions qu’elle posait à une éventuelle implication de la ville de Paris étaient remplies.

Par la suite, je pense que l’accord conclu entre la ville de Paris et le CNOSF pour être candidat a été suffisamment performant et étroit pour que, petit à petit, d’une candidature non favorite, nous en fassions une candidature gagnante.

C’est une belle victoire car c’est la première fois qu’une candidature était réellement initiée par le mouvement sportif.

De plus, l’une des conditions du succès était, à mon sens, le fait que le comité de candidature fut constitué sous forme de groupement d’intérêt public mais avec une majorité mouvement sportif, ce qui n’avait jamais été le cas précédemment. Je pense que c’est un élément qui a été apprécié par le CIO car le souci est évidemment que le mouvement sportif puisse faire en sorte que la candidature aille dans ses intérêts et donc, par voie de conséquence dans ceux du CIO.

Quel est le rôle du CNOSF depuis l’obtention des Jeux olympiques et jusqu’en 2024 ?

Le CNOSF laisse au Comité d’Organisation des Jeux olympiques (COJO) plusieurs prérogatives.

Par conséquent, ce qui était précédemment possible en termes marketing ne l’est plus pour le CNOSF qui reçoit, en compensation, une contrepartie financière.

Nous pouvons dire que le COJO, qui est le petit frère du CNO, va devenir le grand frère puis beaucoup plus grand plus nous allons nous approcher de 2024. L’important est donc que le CNOSF et le COJO travaillent de concert sur trois aspects. Celui de la célébration, par exemple sur les lieux choisis et les sports choisis.

Sur les sports choisis, le COJO est le décideur final mais au sein du COJO sont représentés la ville de Paris, l’État, le CNOSF, le Comité Paralympique etc. Il y a donc de nombreuses parties prenantes.

Le deuxième aspect est l’engagement des français qui devra être de plus en plus important à l’approche des JO.

Enfin, le troisième aspect est l’héritage, sujet sur lequel le CNOSF est le plus impliqué car à l’horizon 2025 il n’y aura plus de COJO mais il y aura toujours le CNOSF.

Lors de votre deuxième mandat à la tête du CNOSF vous aviez indiqué vouloir « faire du sport français un enjeu pour la France » et aviez appelé à une action coordonnée, concertée et motivée par une vision en trois volets : « Projet, partage, performance ». Qu’entendiez-vous par le volet « performance » ?

La performance est faire en sorte que le projet que l’on porte puisse se concrétiser. La performance est donc à tous les niveaux, ce n’est pas que la performance sportive des athlètes, c’est également la performance que l’on peut avoir en termes d’éducation.

Or, aujourd’hui nous ne pouvons pas dire qu’il y a un lien étroit entre l’éducation nationale et le mouvement associatif alors que nous nous plaisons pourtant à dire que le sport participe à l’éducation des jeunes. Nous ne sommes pas non plus extrêmement performants dans la relation que nous pouvons avoir entre les services de santé et le sport, et pourtant on dit que le sport est le meilleur médicament pour préserver le capital santé que l’on reçoit à la naissance. Nous pourrions également avoir une meilleure relation avec le ministère de la Ville car on dit aussi le sport est le principal vecteur de cohésion sociale. En fait, quand on dit le sport c’est un peu gênant car le sport tout seul ne l’est pas, c’est le sport lorsqu’il est pratiqué dans un club avec un éducateur et dans une structure qui permet de grandir et de s’épanouir.

Est-ce que le CNOSF a pour rôle l’accompagnement des sportifs de haut niveau dans la performance ?

Le CNOSF ne peut pas et ne doit pas se substituer aux fédérations pour amener les sportifs à la performance. L’accompagnement des sportifs de haut niveau à la performance se fait notamment sous le couvert d’une structure fédérale qui a une organisation avec des pôles haut niveau et espoirs qui permettent de rassembler les meilleurs, sous diverses formes, soit des établissements publics, soit des clubs.

Le CNOSF intervient davantage sur l’aspect mutualisation et stratégie notamment car nous avons une commission « athlètes de haut niveau » qui fonctionne de manière performante, j’en veux pour preuve le nombre d’athlètes qui y participent et le nombre de réunions qu’ils y font. Le CNOSF met d’ailleurs les moyens pour que la commission puisse fonctionner.

Cette commission c’est la voix des athlètes que l’on écoute et qui permet de mettre en œuvre un certain nombre de projets.

Par exemple, lorsque Thierry Braillard a sollicité Jean-Pierre Karaquillo, qui travaille étroitement avec le CNOSF, Isabelle Sévérino, qui, à cette période, était co-présidente de la commission des athlètes de haut niveau, a énormément travaillé pour participer à la création de la loi qui, aujourd’hui, donne beaucoup plus d’atouts aux sportifs de haut niveau. À mon sens, cette loi n’aurait pas été rédigée de la même manière si la commission des athlètes de haut niveau ainsi que le CNOSF n’y avaient pas participé intensément.

Quel est le rôle de la commission des athlètes de haut niveau ?

Cette commission a un rôle de mutualisation, de propositions et de positions communes. Par exemple, avant les derniers JO, il a été beaucoup question de ce que peuvent faire les athlètes pendant la période des Jeux olympiques par rapport à leurs propres partenaires. Cette question n’est pas aisée car il faut trouver un équilibre entre les partenaires du CIO, qui versent participations financières importantes, sans lesquels le CIO ne pourrait pas organiser les JO, les partenaires des fédérations, du Comité olympique et ceux des athlètes, d’où la nécessité de trouver le juste équilibre pour protéger les intérêts de tous.

Comment intégrez-vous les entreprises privées dans les projets du CNOSF ?

Il est important de noter qu’il fallait modifier la gouvernance du sport français. J’avais déjà indiqué cela en 2009 lors de ma première élection en qualité de Président du CNOSF.

Plus de 10 ans après, nous sommes arrivés à la création de l’Agence Nationale du Sport qui associe l’État, les collectivités territoriales, le mouvement sportif et le monde économique, ce qui est une avancée conséquente.

Le monde économique n’est pas uniquement présent pour être sponsor du dispositif, il est présent car nous sommes tous convaincus que le sport peut avoir une place accrue au sein de l’entreprise, notamment parce que tous les chefs d’entreprise qui ont organisé une incitation à la pratique sportive de leurs collaborateurs y ont trouvé un effet positif. Le CNOSF avait demandé la réalisation d’une étude en 2010 qui démontrait que les entreprises qui incitaient à la pratique sportive leurs collaborateurs avaient un gain de performance économique et sociale qui se situait entre 5 et 8%. Cela vaut la peine d’expliquer aux entreprises tout l’intérêt que le sport représente pour elles, pour leurs collaborateurs et pour la société de manière plus générale.

Il y a donc un réel intérêt à ce que les entreprises soient autour de la table et puissent participer à ce que peut être le sport demain, d’abord parce que c’est un atout pour elles, puis parce que le sport aujourd’hui représente pratiquement 2% du PIB et qu’il n’y a pas que le sponsoring ou l’emploi des sportifs de haut niveau mais qu’il y a aussi les collaborateurs de l’entreprise, le message que l’on peut faire passer par l’intermédiaire des valeurs du sport etc.

Il y a de nombreux points qui font que l’entreprise a bien compris qu’on est plus à l’époque où la relation avec le sport était limitée à la seule communication. Le sport touche aujourd’hui le côté pluridimensionnel de l’entreprise, et en particulier les ressources humaines.

Est-ce dans un but d’intégration des entreprises que vous avez créé les Assises du sport depuis plusieurs années au sein du CNOSF ?

Exactement. Le CNOSF fait chaque année depuis 2010 une opération qui s’appelle « Sentez-vous sport » qui touche le monde économique. Dans le cadre de cet évènement, nous avons des Assises dont les thèmes varient chaque année mais qui touchent à la fois le sport et l’entreprise, et nous récompensons avec les Trophées « Sentez-vous sport » les entreprises qui ont pris des initiatives en matière de sport, santé, bien-être, ou d’insertion des athlètes de haut niveau. Au fil des ans, le message passe et aujourd’hui plus personne ne peut dire qu’il n’y a pas un enjeu pour toutes les entreprises d’inciter leurs collaborateurs à pratiquer du sport et d’avoir un lien accru avec le monde du sport. Ce que j’espère c’est que Paris 2024 sera le moteur d’une forme d’accélération dans cette prise de conscience par toutes les entreprises, de la petite à la plus grande, sur le fait qu’elles peuvent miser sur le sport.

Néanmoins, nous avons conscience qu’il y a encore beaucoup à faire en termes de coordination car tout le monde s’adresse aux entreprises de manière un peu désordonnée, il y a donc un chantier de coordination sur lequel il est nécessaire de travailler.