[Livre Performance Allyteams] Interview Antoine Rigaudeau - Basket-ball

16 mai | Actualités | Fanny RENOU
[Livre Performance Allyteams] Interview Antoine Rigaudeau - Basket-ball | Allyteams

Considéré comme l'un des meilleurs joueurs de l'histoire du basket-ball français, Antoine a fait partie de l'aventure des JO de Sydney en 2000 qui a vu l'équipe de France décrocher une médaille d'argent face aux Etats-Unis en finale.

Participation aux Jeux Olympiques 2000.
Médaille(s): 1 x argent.

Antoine, comment définiriez-vous la performance ?

Je définirais la performance comme la capacité à être au maximum de ses possibilités mentalement, psychologiquement et physiquement, pour atteindre ses objectifs.

La performance est atteinte lorsque le sportif est capable de mobiliser toutes ses capacités dans un moment clé du match, ou de la compétition, pour réussir à gagner. Cependant, atteindre la victoire nécessite, au-delà de la mobilisation des possibilités mentales, psychologiques et physiques au maximum de ces capacités, d’être capable de prendre des responsabilités lors des moments clés et de les assumer.

Quelle est, selon vous, la meilleure performance de votre carrière, et pour quelle raison ?

Ma réponse va peut-être surprendre mais il ne s’agit pas d’une performance sportive. Ce dont je suis le plus fier, et que je considère peut-être comme ma meilleure performance, est d’avoir pu convaincre 500 tifosis (supporters) italiens d’évacuer le terrain pour que nous puissions jouer un match.

Les tifosis avaient envahi le terrain et essayé d’agresser le président-propriétaire du club de Bologne dans lequel je jouais à l’époque, car ce dernier avait licencié l’entraîneur la veille.

J’ai pris mes responsabilités à ce moment, et ai pris le micro debout sur la table de marque. Après deux interventions, ils ont quitté le terrain et le match a finalement pu se dérouler.

Vous avez remporté plusieurs titres nationaux ainsi que l’Euroligue à deux reprises en six saisons avec le Virtus Bologne, et avez été à deux reprises nommé meilleur joueur européen de la saison. Quel est votre regard sur vos années italiennes ?

Je définirais mes années au Virtus Bologne avec peu de mots mais qui résument totalement ce que j’ai connu : passion, travail, rigueur, discipline et, plus que tout, culture de la gagne.

Dans cette équipe, un autre résultat que la victoire n’était pas envisageable. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé. La première année, nous avons beaucoup gagné, ce qui m’a permis une bonne intégration. Si les résultats avaient été différents, je ne sais pas si j’aurais continué dans un tel club.

Dans ce club, et en Italie en général, j’ai constaté qu’il y avait une véritable passion pour le sport, une chaleur humaine dégagée par les supporters, et un respect énorme envers les sportifs qui gagnent et qui ont des valeurs humaines.

Considérez-vous que vous étiez un joueur qui analysait toutes les situations plutôt qu’un joueur instinctif, et est-ce une qualité innée ou acquise ?

Votre question me rappelle une anecdote. Lors de ma première saison à Bologne (1997-1998), mon entraîneur Ettore Messina m’a dit : « tu connais Ferrari ? Moi je suis Jean Todt. Je te règle la voiture la plus compétitive. Toi tu es Michael Schumacher, tu conduis la voiture ». Cette phrase m’a beaucoup marqué.

J’ai toujours pensé que le très haut niveau requiert la capacité d’analyser toutes les situations. Il faut donc parfaitement connaître ses coéquipiers mais également ses adversaires et les arbitres. Cependant, si être dans l’analyse est primordial, il ne faut pas que celle-ci se fasse au détriment de l’instinct. Parfois, se vouer à ses sensations de jeu et à celles que l’on ressent face à différentes situations est plus efficace que toute analyse.

Un grand sportif doit donc avoir la capacité de tout analyser, mais également de se fier à son instinct lorsque l’analyse atteint ses limites.

Aviez-vous la sensation, sur un terrain, d’analyser et de comprendre les situations plus rapidement que les autres joueurs ? Si oui, est-ce que vous avez réussi à transposer cette qualité dans votre vie de tous les jours ?

Oui, j’avais cette sensation sur le terrain et n’avais de toute façon qu’un seul objectif en tête, gagner et être meilleur que les autres.

Aujourd’hui, les choses sont différentes car je ne suis plus dans cette démarche d’utiliser mes capacités d'analyse pour gagner. Je dirais que j’ai une vision beaucoup plus hédoniste de la vie, dans le plus grand respect des personnes qui m’entourent.

J’aime analyser et comprendre ce qui se passe autour de moi et je l’accepte également plus facilement que par le passé. Je ne me sers plus de cette capacité d’analyse pour obtenir plus, ou pour être meilleur que les autres.

Qu’est-ce qui vous permettait, quand vous étiez sur le terrain, de passer de l’observation à la réflexion et à la prise de décision plus rapidement que la grande majorité de vos adversaires ?

Je pense que plusieurs éléments me permettaient de passer rapidement de l’observation à la réflexion, puis à la prise de décision. La connaissance que j’avais de moi-même, elle est primordiale, mais ne suffit pas dans un sport dans lequel vous êtes dix joueurs sur le terrain. Elle doit être complétée par la connaissance des autres, coéquipiers comme adversaires.

Au-delà de ces connaissances, l’étape à franchir pour permettre de passer rapidement de l’observation à la réflexion, puis à la prise de décision, est la capacité de prendre des responsabilités et de les assumer dans les moments clés.

Est-ce en raison du jeu pratiqué en NBA, qui ne correspondait pas au vôtre, que votre passage dans cette ligue a été difficile ?

Avec le recul je pense que je n’étais pas prêt physiquement pour jouer en NBA. De plus, ma mentalité européenne de l’époque, qui était de faire le moins d’erreurs possible, ne correspondait du tout pas à celle de la NBA. J’ai très rapidement perçu que je ne pourrai jamais avoir le même rôle dans une équipe NBA que celui que j’avais dans une équipe européenne.

Est-ce que la notion de performance, collective et individuelle, en Europe et aux États-Unis est différente ?

Non car que ce soit dans les grandes équipes européennes ou NBA l’objectif est de tout gagner. Je dirais cependant qu’en Europe la défaite est beaucoup plus mal vécue qu’aux États-Unis, et la remise en cause plus importante.

La vraie différence se retrouve selon moi dans le fait que le « star system » américain met beaucoup plus en avant les individus, pour générer des profits, et la mentalité est peut-être plus individualiste avec l’envie d’être le meilleur et de le démontrer.

Vous avez été vice-champion olympique à Sydney en 2000. Quel souvenir gardez-vous de cette compétition et qu’est-ce qui a permis à l’équipe de France d’obtenir cette médaille alors que les résultats et le niveau de jeu depuis le début de la compétition étaient décevants ?

À mon sens, le plus important fut la préparation et l’incorporation dans le staff d’un préparateur physique, Jean-Pierre Egger, qui connaissait bien les Jeux olympiques, ainsi que d’un préparateur mental, Christian Target.

Ces deux personnes ont permis au collectif de bien gérer la compétition et de tenir dans le temps. De plus, l’équipe a trouvé son équilibre et une certaine sérénité au fur et à mesure de la compétition, puis la compétition a fait que nous avons rencontré des équipes dont le style de jeu nous correspondait bien lors des phases finales.

Les raisons de l’obtention de ce titre de vice-champion olympique sont donc multiples.

Après avoir annoncé votre retraite internationale en 2001, vous avez accepté de disputer l’Euro en 2005. Était-ce pour avoir la possibilité de partager votre expérience avec la nouvelle génération ?

Oui, car je savais que je pouvais donner une certaine sérénité et une stabilité à ce jeune groupe en raison de mon vécu et mon expérience. Puis j’avais également conscience que cette compétition allait être la dernière sous le maillot tricolore et que j’allais mettre un terme à ma carrière très rapidement.

Quels conseils pourriez-vous donner pour être relâché quand l’enjeu augmente, et que pensez-vous du recours à la préparation mentale ?

L’important pour être relâché quand l’enjeu augmente est d’avoir la volonté et la capacité de prendre des responsabilités dans ce moment décisif, mais surtout de bien les assumer, et ce quelle que soit l’issue.

S’agissant de la préparation mentale, son intérêt est de vous éclairer sur ce que vous êtes capable de faire, et parfois de ne pas faire, et éventuellement des techniques à mettre en œuvre pour progresser.

Qu’est-ce que vous a inspiré votre nomination au FIBA Hall of Fame en 2015 et que représente-t-elle pour vous ?

Je pense que le fait d’avoir joué le championnat d’Europe en France a aidé à cette nomination. Cette nomination ne change rien à ma façon de vivre mais montre que ma carrière n’a pas été une carrière lambda, mais c’est déjà quelque chose dont j’avais conscience avant cette nomination au regard de tout ce que j’ai pu vivre tout au long de celle ci, que ce soit sur le plan sportif mais également sur le plan humain.

Vous vivez en Espagne, pays dans lequel vous avez terminé votre carrière en 2005. Quelles sont vos activités professionnelles et suivez-vous toujours le basket ?

Oui, je suis toujours le basket et suis aujourd’hui associé dans la société NBN23 qui facilite la vision du basket au niveau non professionnel grâce à une application permettant de suivre en direct les matchs que nous digitalisons. Nous facilitons également le travail des fédérations en créant des feuilles de matchs électroniques, utilisables directement à partir d’une tablette ou d’un smartphone.

Nous avons également développé un track (www.nagie.es) permettant de suivre les données des nageurs, quel que soit leur niveau, si la piscine est équipée du système, et avec une alerte en cas de risque de noyade.