[Livre Performance Allyteams] Interview Jean-Marc Albiol - Ogletree Deakins

18 mars | Actualités | Maximin DUMAS
[Livre Performance Allyteams] Interview Jean-Marc Albiol - Ogletree Deakins | Allyteams

Jean-Marc Albiol est Avocat associé au sein de Ogletree Deakins, cabinet dédié au droit social.

La performance dans les activités juridiques

On sait que dans le domaine sportif, la performance est, en général, un résultat individuel ou collectif chiffré obtenu dans le cadre d’une compétition. Mais qu’est-ce que la performance dans le domaine du droit et plus spécifiquement, dans le domaine du droit social dans lequel j’exerce ? Et quels sont les critères qui permettent d’atteindre un haut niveau de performance dans un domaine d’activité qui parait bien éloigné, a priori, d’une compétition sportive ?

Chacun aura vu l’interview proprement « Zlatanesque » donnée par Zlatan Ibrahimovic à Téléfoot en octobre 2021 dans lequel il déclare à propos de Mbappé « Imaginez comme il peut devenir fort s’il se fait mal. Il faut qu’il sente le goût du sang. Tu dois être entouré de gens qui te poussent et qui t’élèvent, mais tu n’as pas besoin d’être entouré de ceux qui te disent que tu es le meilleur. Entoure-toi de ceux qui te diront que tu n’es pas assez bon et que tu dois devenir meilleur, et tu deviendras meilleur. Voilà ce que je pense de la situation de Mbappé ».

Est-ce à dire que dans le domaine du droit, avocats et juristes doivent, à l’instar des sportifs, réaliser une performance en obtenant, forcément au détriment de la partie contre laquelle il se place, la soumission ou la défaite de l’adversaire ?

Personnellement, je ne le crois pas. Je pense qu’il s’agit d’une autre sorte de compétition, comme le suggère d’ailleurs Zlatan, non contre un adversaire, mais contre soi-même et avec les autres car l’exercice tient à l’amélioration constante de facteurs liés à la technique juridique qui doit être évidemment parfaitement maîtrisée et réapprise chaque année avec chaque réforme, de facteurs liés à la connaissance stratégique de ses clients et opposants, mais aussi de facteursliés à la transposition « psychique » des facteurs classiques de performance physique (réactivité, vitesse, endurance, explosivité et souplesse).

Au-delà de ces critères classiques, trois critères permettent d’asseoir la performance du juriste dans son environnement.

Le facteur stratégique

Certains commentateurs de la performance sportive utilisent le terme « techno-tactique », c’est-àdire l’utilisation de la connaissance de la technique et du cadre stratégique dans lequel elle s’exerce, ce qui est toujours fonction de l’analyse des acteurs de terrain, c’est-à-dire des parties prenantes (décisionnaires, avocats adverses, magistrats), de la compréhension de la prise de décision, qui dépend de la connaissance fine des règles et de la manière dont elles sont appliquées sur le terrain par les différentes juridictions.

La détermination

Ce critère proche du célèbre « mental » légendaire du sportif qui détermine l’excellence, caractérise la permanence au-delà des aléas de la maîtrise des émotions (les siennes et celles encore une fois de celles de l’ensemble des parties prenantes) afin d’atteindre l’objectif fixé : victoire sportive ou judiciaire, qualité du conseil donné, et respect des délais, objectif d’entreprise qui est d’atteindre la place de leader dans son domaine, ou simplement d’atteindre l’excellence. Il n’est d’ailleurs pas anodin, mais amplement commenté que les avocats fassent désormais l’objet de classements aux critères parfois flous et/ou contestables.

La détermination est forcément nécessaire dans l’exercice de l’activité juridique sociale, car elle se présente toujours, qu’elle soit douce ou plus rugueuse, comme la défense farouche des intérêts de la partie que l’on défend et se heurte donc, frontalement à des intérêts contraires.

Le plus grand reproche qu’un client peut généralement faire à son conseil, c’est qu’il n’ait pas défendu ses intérêts au-delà de la technique, de la stratégie, avec toute la détermination que le client jugeait nécessaire.

Le facteur social et l’incertitude

Le conseil juridique à l’instar des autres professions, peut pratiquer seul ou en structure d’exercice. Dans ce cas, la qualité des liens entre les membres de la structure, la capacité des associés de travailler ensemble à des projets communs, et à développer harmonieusement des clients en commun a évidemment un impact sur la qualité de la performance ou de la réussite du projet d’ensemble, mais aussi de la performance individuelle.

Voici quelques-unes des qualités demandées au juriste ou à l’avocat, sans compter la maîtrise des facteurs d’incertitude puisque toute décision judiciaire dépend aussi de la décision d’un tiers, qui au final a le dernier mot.

Je ne pouvais pas finir ces quelques notes sans une autre citation de Zlatan qui renvoie, en termes de performance de l’avocat, à l’appréciation de l’égo par quelques membres sans doute isolés de cette belle profession qui rejoint aussi celle de certains sportifs : « «Je ne connais pas beaucoup la Ligue 1 mais la Ligue 1 sait qui je suis ».