[Livre Performance Allyteams] Interview Christopher Patte - Pentathlon moderne

18 mars | Actualités | Maximin DUMAS
[Livre Performance Allyteams] Interview Christopher Patte - Pentathlon moderne | Allyteams

Sportif de haut-niveau olympique faisant partie de l’Armée des champions, Christopher a été champion du monde par équipe de pentathlon moderne en 2013. Il a mis entre parenthèse sa carrière de sportif durant un an pour découvrir le monde de l’entreprise, avant de se replonger dans sa discipline.

Participation aux Jeux Olympiques 2012.

Christopher, quelles sont les différentes étapes d’une saison en pentathlon moderne ?

La saison internationale débute en février, à partir de la première étape de coupe du monde. Il y a une étape par mois jusqu’au mois de juin. Au mois de juillet se déroule le championnat d’Europe, puis, au mois d’août, le championnat du monde.

Comment fixez-vous vos objectifs sportifs ? Et quels sont ceux que vous vous êtes fixés pour cette année ?

Les objectifs à court, moyen et long terme se fixent toujours en début de saison, c’est-à-dire en février. Pour fixer mes objectifs à court terme, je fais le bilan de la saison achevée, et sur le long terme, l’objectif est les Jeux olympiques.

Est-ce que votre préparation en début de saison est toujours identique ?

Non, la préparation n’est pas toujours identique, elle dépend notamment de la saison précédente. Il y a des saisons plus éprouvantes que d’autres, après lesquelles il est plus difficile de récupérer physiquement. Dans un tel cas, il n’est pas rare que l’athlète décale son début de saison afin de reprendre plus tard, ou décide d’opter pour plus de qualité et moins de quantité. Hormis ces petits ajustements, les saisons se ressemblent. Généralement en début de saison nous mettons beaucoup de quantité, et plus les compétitions approchent, plus nous privilégions la qualité.

Que représente la « quantité » en termes d’heures de travail ?

C’est environ cinq à sept heures de travail par jour, ce qui représente environ trente-cinq à quarante heures par semaine. À l’entraînement durant la période hivernale, nous faisons généralement quatre épreuves par jour, deux le matin et deux l’après-midi.

Pendant les périodes de compétition, nous faisons trois semaines de travail et une semaine de compétition, ou une semaine de stage à l’étranger s’il n’y a pas de compétition.

Vous avez fait un break d’une année dans votre carrière de sportif et êtes revenu par la suite. Pourquoi avoir décidé de revenir ?

J’avais besoin de souffler, de voir le monde extérieur, le monde de l’entreprise et avoir une vie d’une personne « normale », j’avais besoin d’être confronté à la réalité du quotidien de la majorité des gens.

Je dis souvent que durant cette période de break, j’ai appris à prendre un billet d’avion moi-même car un sportif de haut niveau est dans un cocon au sein duquel tout est cadré et pris en charge et l’athlète a simplement à mettre en place sa performance.

Durant l’année, l’entreprise m’a fait énormément de bien sur le plan moral et sur le plan de la reconnaissance.

Néanmoins, j’ai tout de même ressenti un manque de mon sport. Même si je continuais à faire du sport, l’adrénaline du sport de haut niveau me manquait, j’avais besoin de me confronter et de me surpasser. C’est à partir du mois de mars que j’ai décidé de reprendre car j’ai ressenti ce manque ainsi qu’une possibilité de continuer à progresser dans mon sport. J’ai alors contacté la Fédération qui m’a de nouveau fait confiance.

Je me suis remis en forme physiquement et mentalement et j’avais cette envie constante de revenir au plus haut niveau, ce qui m’a permis de très vite réaliser de bonnes performances.

Qu’avez-vous fait en entreprise pendant votre année de break ?

J’ai travaillé chez Allianz dans le monde de l’assurance en qualité de conseiller clientèle. J’ai intégré une équipe dans laquelle j’ai dû faire ma place au fil des semaines. J’ai essayé de vite apprendre, et je l’ai vécu comme un beau challenge. J’ai beaucoup aimé le fait d’appartenir à une équipe mais également d’avoir des objectifs individuels car nous étions évalués individuellement sur le chiffre d’affaires que nous générions.

Vous avez récemment indiqué que depuis que vous avez repris le pentathlon, vous ne vous considérez plus comme sportif de haut niveau mais sportif de très haut niveau, qu’est-ce qui a changé ?

Le changement a été total, je me suis approprié mon environnement et mon projet de sportif de haut niveau.

Avant, j’allais à l’entraînement sans vraiment réfléchir et j’exécutais ce que l’on me demandait. Maintenant, je réfléchis à ce que l’on me demande de faire, je participe à la construction de mes entraînements, j’échange beaucoup plus avec mes entraîneurs. Je dirais que j’ai gagné en maturité.

Aujourd’hui, c’est moi qui me fixe mes objectifs, bien sûr avec les entraîneurs, mais j’utilise chaque personne de mon staff pour engendrer ma propre progression, et cette nouvelle approche change énormément et me permet d’avoir de meilleurs résultats que lors de ma première partie de carrière.

Je ne suis pas une trame que l’on me dicte, je ne suis plus dans l’insouciance mais dans l’analyse, je mets donc plus de qualité dans ce que j’entreprends. Je sais maintenant pourquoi je me lève le matin et où je veux aller.

En quoi cette appropriation du projet sportif est due à votre passage en entreprise ?

L’entreprise m’a beaucoup appris. On m’a formé au métier mais nous étions évalués par rapport aux résultats obtenus, et pour les obtenir, nous sommes seuls. En qualité de Conseiller clientèle, il fallait intéresser les prospects puis réussir à vendre le produit. Lors de cette période, j’étais un peu livré à moi-même et je devais prendre mes responsabilités et mettre toutes les chances de mon côté pour réussir rapidement.

Je dirais que j’ai traduit ce que j’ai appris dans l’entreprise à mon sport. En entreprise, on m’a formé et une fois la formation terminée c’était à moi de me construire ma propre histoire. Je m’applique maintenant cela dans mon sport. Mon staff m’aide à progresser, mais c’est à moi de savoir où je veux aller et ce que je veux faire.

De plus, autre similitude avec mon expérience en entreprise, je fais un sport individuel mais je m’entraîne avec un collectif. Je prends appui sur les autres pour progresser et ils font de même avec moi.

Comment définiriez-vous la performance dans votre sport ?

La performance dans mon sport est l’atteinte de ma limite dans chaque discipline.

Durant une compétition, lorsque dans l’une des disciplines, je réussis à mettre en place 100% de ce que j’apprends à l’entraînement, c’est l’atteinte de la performance. Après, le plus difficile en sport n’est pas de réaliser une performance mais de réussir à la répéter sur le long terme.

A l’entraînement, travaillez-vous plus vos forces ou vos faiblesses ?

Je travaille les deux, mais je dirais que j’essaie surtout de travailler les épreuves sur lesquelles je suis le plus en difficulté. En revanche, j’entretiens mes points forts. Selon moi, quelle que soit la discipline, que ce soit dans la progression ou dans l’entretien, il faut toujours essayer de sortir de sa zone de confort.

De plus, il est toujours important de travailler ses forces car cela apporte de la confiance en compétition et permet de rattraper le retard que je peux prendre dans des disciplines sur lesquelles je suis plus en difficulté.

Je domine le combiné (tir et course) qui est la dernière épreuve de la compétition. En revanche, l’escrime est la discipline dans laquelle je suis le moins à l’aise. Je suis irrégulier et dans notre sport, lors de l’épreuve d’escrime, nous rencontrons tous nos adversaires. Nous avons une minute maximum contre chaque adversaire et une seule touche possible. L’objectif est de passer d’un combat à l’autre en tournant très rapidement la page du combat précédent, que ce soit une victoire ou une défaite. Cela demande une très grande capacité de concentration et une grande régularité. Je travaille donc énormément pour acquérir cette régularité.

Vous expliquez que vous n’hésitez pas à davantage utiliser votre staff. Concrètement, comment cela se matérialise ?

J’ai une trame d’entraînement à partir de laquelle je peux ajouter ou enlever des entraînements en fonction de divers critères. Je dirais que je cherche à comprendre et à analyser l’instant.

Par exemple, nous avons un entraîneur de natation et lors de la séance je cherche en permanence à ne pas rester sur les acquis mais à ajouter une petite chose à la séance pour me mettre en difficulté, le petit détail qui fera la différence le jour de la compétition. D’où la nécessité de bien se connaître et donc de faire preuve d’une certaine maturité, ce que je n’avais pas il y a encore quelques années.

Comment est composé votre staff ?

Nous avons deux entraîneurs, un qui donne des directives générales, Jean-Pierre Guyomarch, et un second entraîneur qui est son adjoint, Jean Maxence Berrou.

Nous avons également deux entraîneurs d’escrime, Gauthier Grumier et Thomas Dangeon, puis un entraîneur spécifique de la garde républicaine, l’adjudant-chef Maniglier qui apporte son expertise sur l’épreuve d’équitation.

Enfin, nous avons un préparateur physique, Stéphane Caristan.

Nous avons également à notre disposition le staff de l’INSEP pour l’aspect préparation mentale, nutrition ainsi que pour l’aspect médical.

Pensez-vous que la performance en sport et en entreprise est identique ou diriez-vous que ce sont deux mondes différents ?

Je pense qu’il y a plusieurs réponses possibles à cette question car la réponse peut être propre à chacun.

Je vais donc parler de ce que je connais, par rapport à ma propre expérience en entreprise et à celle dans le pentathlon.

La différence c’est que lors de mon passage en entreprise je travaillais pour l’entreprise, pour un but commun, alors que dans le sport de haut niveau je travaille pour moi, c’est ma propre performance. Même si la victoire reste collective, car c’est aussi celle du staff et de l’encadrement en général, la performance reste individuelle. Je m’entraîne pour améliorer ma propre performance, j’avais moins ce sentiment d’individualité en entreprise.

Le niveau de l’équipe de France de pentathlon est excellent : y a-t-il entre vous de la concurrence ?

En effet, nous sommes cinq athlètes pour un nombre de places restreint (2 ont été sélectionnés pour les JO de Tokyo de 2020). Il y a une concurrence à l’entraînement, entre nous, mais elle est saine, nous nous tirons constamment vers le haut.

Je ne me compare jamais à mes camarades d’entraînement, car j’ai appris à me connaître. En revanche, je prends exemple sur les autres pour progresser.