Sportifs de haut niveau : des atouts pour l’entreprise

31 juillet | Actualités
Sportifs de haut niveau : des atouts pour l’entreprise | Allyteams

Par Aurélya. Article publié le 26 mai 2015 sur le site du Jobintree (lien).  


Sportifs de haut niveau : des atouts pour l’entreprise


Enquête – Dans l’inconscient collectif, les sportifs de haut niveau gagnent bien leur vie grâce à leurs nombreux sponsors et les primes liées à leurs exploits. Or, quatre sportifs de haut niveau sur dix vivent avec moins de 500 euros par mois. Jobintree est allé à la rencontre d’athlètes encore en piste ou ayant mis un terme à leur carrière. Ils nous livre leurs sentiments sur la reconversion.

L’INSEP organise le 27 mai la 3e édition de Start’up ta reconversion, une opération à destination des sportifs professionnels et de haut niveau, ainsi qu’aux cadres sportifs. Le but est d’aborder la question de leur reconversion par le biais de la création d’entreprise.

Stéphane Diagana, champion du monde de 400 mètres haies, ou encore Frédérique Jossinet, vice-championne olympique de judo sont attendus pour partager leurs expériences et prendre part aux ateliers et conférences prévus lors de cet événement qui démarre à partir de 18h30 dans les locaux de l’organisme.

Car une carrière sportive s’achève en moyenne autour de 30 ans. Et peu d’athlètes anticipent « l’après ». Sur ce sujet, Kelly Oublié, 27 ans, joueuse professionnelle de volley-ball à Quimper, semble être un ovni. C’est à 19 ans qu’elle obtient son diplôme d’Etat d’aide soignante, s’assurant ainsi une porte de sortie « au cas où ». Cette prise de conscience, elle la doit à son père.

« Il m’a sensibilisée sur cette question. Et très vite, dit-elle. A 16 ans, j’étais en Sports études et pas mal sollicitée par les clubs. En revanche, à l’école, ça ne se passait pas très bien. Mon père m’a alors réinscrite dans le circuit public pour suivre un enseignement traditionnel. Parallèlement, j’ai repris les entraînements avec un club près de chez moi. Puis, mon père ne m’a pas lâchée (rires). »

Et d’ajouter : « Je suis désormais joueuse professionnelle et j’en vis bien. Mais je sais que ça ne me fera pas manger éternellement. » Aussi, même si elle est pour l’heure professionnelle à 100 %, elle a décroché un poste d’aide soignante dans un établissement public en région parisienne. Elle est en indisponibilité pour une période pouvant aller jusqu’à dix ans. Au terme de ce délai, elle pourra retrouver sa place ou choisir une autre voie.

Si elle concède qu’aujourd’hui l’avenir des sportifs est mieux pris en compte, elle regrette que certains, en fin de carrière, soient sans diplôme. « Cela montre qu’il y a une faille quelque part », dit-elle. Alors qu’aux Etats-Unis, la machine, elle, semble bien huilée : « J’ai souvent joué avec des Américaines et leur pratique sportive fait partie de leur cursus. Aujourd’hui, elles ont des diplômes en communication, commerce international, etc. »

L’image égratignée du sportif bien payé

La France s’est récemment donnée pour mission d’accompagner ses athlètes sur le terrain de l’emploi. Et pour cause, « quatre sportifs de haut niveau sur dix gagnent moins de 500 euros par mois », affirme un rapport remis en décembre 2014 à Thierry Braillard, Secrétaire d’Etat aux Sports. L’enquête, conduite par Jean-Pierre Karaquillo, cofondateur du Centre de droit et d’économie du sport de Limoges, précise que nombre d’entre eux vivent des situations dramatiques. Une réalité à mille lieux de l’image du sportif aux revenus mirobolants ou confortables.

Car parmi les 6.581 sportifs de haut niveau recensés, une grande partie est composée d’amateurs qui ne peuvent concilier leurs entraînements avec une vie professionnelle traditionnelle. Face à ce constat, le ministère de la Jeunesse et des Sports a décidé de les soutenir en lançant le Pacte de performance. Celui-ci vise à favoriser les échanges entre ces sportifs de haut niveau et le monde de l’entreprise.

L’objectif : la signature de contrats d’image et de contrats de travail aménagé qui à terme doivent déboucher sur l’intégration du sportif, à la fin de sa carrière, au sein de la société.

L’idée n’est pas de demander aux entreprises de faire du bénévolat ou leur B.-A en intégrant des sportifs professionnels dans leur structure, mais bien de leur faire comprendre l’intérêt qu’elles ont à s’ouvrir à ces profils atypiques, tant sur le plan des valeurs que sur celui des compétences .

Pour Thomas Richard, un ancien handballeur, c’est une évidence. Celui qui comptabilise quatre sélections en équipe de France déclare : « Les valeurs du sport croisent celles de l’entreprise. » Et d’ajouter : « C’est un atout : sur le plan des relations humaines, managériales, dynamique de groupe, de la gestion de l’individu à travers des objectifs collectifs à court, moyen et long termes… » Devenu pro en 1998, il a mis un arrêt à sa carrière en 2010. Aujourd’hui, il occupe le poste de… directeur des ressources humaines au sein de l’hôtel Hyatt Regency Paris – Charles de Gaulle.

Son goût pour les RH est né avant ses premiers titres nationaux : « J’ai fait des études en économie. Ma sensibilité m’a mené par la suite à me spécialiser en ressources humaines. En faisant du sport de haut niveau, je n’étais pas attiré par la lumière, mais par l’aventure humaine, celle de construire ensemble un projet sur plusieurs années. C’est le groupe qui nous a permis d’être champion de France en 1997 et 2007 (avec le club US Ivry Handball – 94 – Ndlr). Et c’est ce que je recherche : construire. »

Sportif de haut niveau : entre atouts et handicaps

Guillaume Judas, 44 ans, ex-coureur cycliste amateur de haut niveau (champion du monde sur route Masters en 2006), tempère. S’il liste sans problème les atouts, il reconnaît que ces sportifs peuvent être « un peu déconnecté(s) de la vie de l’entreprise, de ses habitudes de réunionnite, des tâches chronophages, des tentatives de manipulation… Le choc est parfois violent. » « Car on se sent d’abord prêt à soulever des montagnes, mais on se heurte à des choses qui ne veulent pas bouger dans le bon sens. C’est parfois frustrant », souligne-t-il.

Est-ce qu’avoir dans ses équipes un ex-sportif de haut niveau est apprécié ? Pour Thomas Richard, la réponse est clairement oui, avec un bémol. « Il me semble que c’est plus valorisé dans des entreprises américaines. Les sociétés françaises fonctionnent plus sur les diplômes et l’ancienneté. »

Guillaume Judas le confirme : « (Faire du haut niveau) permet de développer son sens de l’organisation, de l’anticipation, de l’adaptation. Ca développe aussi l’esprit d’équipe et l’affirmation de soi face à la hiérarchie par exemple. Mais il ne faut pas croire que c’est toujours bien perçu, surtout en France où l’on voit encore un drôle de management, où certain veulent « casser » de l’employé, ou le management par la terreur. »

Le Secrétaire d’Etat aux Sports, aussi impliqué qu’il le soit, doit donc donner un grand coup de pied dans la fourmilière. Car ne l’oublions pas, le prochain grand rendez-vous sportif n’est autre que les Jeux Olympiques de Rio, au Brésil, en 2016. Autant dire demain. Et même si on ne connaît pas la proportion exacte des sportifs précaires, il est clair que plusieurs athlètes français visant les qualifications sont confrontés quotidiennement à des difficultés matérielles, les empêchant d’appréhender sereinement les compétitions à venir.

Le rapport Karaquillo souligne également que les aides financières de l’Etat et des fédérations – une enveloppe de 9 millions d’euros – devraient être mieux distribuées et profiter ainsi aux sportifs qui en ont le plus besoin. Une piste parmi une quarantaine détaillée dans ce document désormais entre les mains de nos responsables politiques.